Anthologie poétique sur le thème des animaux

La cour du Lion Sa Majesté Lionne un jour voulut connaître De quelles nations le Ciel l'avait fait maître. Il manda donc par députés Ses vassaux de to...

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Anthologie poétique sur le thème des animaux

Aïtana CANAVY Cecilia CANOVA

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PREFACE La poésie : cet art littéraire dont nous serions tentés de dire qu’il existe depuis presque toujours. Comme la plupart des arts, la poésie a le don d’exprimer à travers des mots : des sentiments, des ressentis, des pensées, des opinions, une histoire et une vision du monde de manières différentes, propres à chacun, grâce aux pouvoirs que la poésie confère aux mots d’exprimer plus que leur définition, mêlant rythmes et sonorités, de formes ou de styles différents, que ce soit à l’écrit ou à l’oral. Ces éléments conduisent à aider l’auteur à exprimer tout son bon vouloir à travers la poésie. Ainsi cet art au service de l’imagination est l’une des plus belles formes littéraires que l’homme ait pu inventer pour s’exprimer sur différents thèmes, tout en sachant que son utilisation et son but ont beaucoup changé et servi au cours de l’histoire. La poésie a été le lieu d’un point de vue essentiel à l’homme depuis des siècles. Grâce au thème des animaux, les poètes adoptent souvent ces figures animales sous toutes leurs formes pour divers buts et raisons. En général, ces dernières servent d’éloge aux créations animales de la nature, de moyens intuitifs de représenter des sentiments, l’Homme lui-même, à représenter la beauté, à donner des conseils, ou même à dénoncer à travers des faits, opinions, défauts et immoralités de l’homme, inavouables à certaines époques par le biais de personnages humains. Ainsi dans cette anthologie portée sur les animaux nous verrons à travers dix poèmes de formes, d’époques et d’auteurs différents comment ces êtres ont réussi depuis toujours à susciter de l’intérêt aux poètes de tous temps dans leur quête d’inspiration. Nous exposerons les poèmes dans un ordre chronologique afin de percevoir une évolution de ceux-ci à travers les siècles : « Comme un chevreuil » où sont représentés les sentiments de l’auteur ; « La cour du lion » et « Conseil tenu par les rats » qui sont des fables ; « Le chat » qui révèle une vision de la femme selon l’auteur ; « La coccinelle » qui évoque un souvenir plain de naïveté en incluant cette petite bête ; « Blanche » où l’on s’éprend dune chatte. « L’albatros » à travers lequel l’auteur s’identifie ; « Le cygne » voué à la description d’un cygne ; « La grenouille », rencontre entre un jeune garçon et l’animal ; « L’écrevisse» qui compare le genre humain à l’écrevisse.

PRESENTATION DES POEMES

« Comme un chevreuil » de Pierre Ronsard (1524-1585) est issu de : Les amours de Cassandre. Tout d’abord, ce poème raconte l’histoire d’un chevreuil qui se balade, et qui subit une mort brutale et cruelle. En réalité l’auteur se compare au chevreuil, libre et insouciant. L’amour est représenté par la nature, et la femme est irréelle, abstraite. Le poète est donc victime de l’amour et du regard foudroyant de cette femme qui s’illustre donc par ce jeune chevreuil blessé. Illustration de DESPORTES Alexandre François du titre Débouché du cerf (1er quart 18e siècle Senlis ; musée de la Vénerie) « La cour du lion » de Jean de la Fontaine (1621-1695) est le sixième poème du livre VII situé dans le deuxième recueil des Fables de La Fontaine, édité pour la première fois en 1678. Dans ses fables, Jean de La Fontaine fait une critique sur le comportement des Hommes à travers les animaux, ce qui lui évite la censure de son époque. Dans cette fable, le poète représente la cour et ses courtisans, chaque personnage de la cour est défini par un animal différent. Il donne des conseils sur le comportement à avoir auprès de Louis XVI : « il faut savoir mesurer ses paroles et ses actes. » Cette morale est aussi bien valable à son époque que de nos jours. « Conseil tenu par les rats » est une fable de Jean de La Fontaine racontant l’histoire de rats qui ont décidé de mettre une sonnette au chat qui les terrorisait pour prévenir de sa présence. Cette fable critique de manière assez humoristique le comportement des Hommes. Peinture de Philibert Léon Couturier. Huile sur toile peint en 1876. Collection permanente du Musée Denon de Chalon-sur-Saône « Le chat » de Charles Baudelaire (1821-1867), est extrait du recueil Les fleurs du mal, publié en 1847. Pour Charles Baudelaire, l’image du chat est liée à celle de la femme comme il le montre dans deux autres poèmes qui ont pour thème commun cet animal (« le chat 2 » et « le chat 3 »). Dans ce poème le poète parle de son chat mais il lui sert à évoquer sa femme derrière cet animal. Nous retrouvons aussi la sensualité et l’érotisme dans celui-ci. Ainsi nous pouvons voir comment la figure animale sert à exprimer les sentiments d’un être réel.

« La coccinelle » est un poème extrait du recueil Les Contemplations publié en 1856 et écrit par Victor Hugo (1802-1885). Dans ce poème, Victor Hugo nous raconte une aventure personnelle d’un baiser volé qu’il transforme en baiser raté. Ce texte a l’apparence d’une fable, qui nous décrit d’une façon inattendue et un peu humoristique la naïveté de cette expérience amoureuse de l’auteur âgé de seize ans et qui fut perturbé par cette petite bête… quand l’auteur écrit ce poème, il est alors âgé de cinquante-quatre ans. La coccinelle dans le poème est l’élément perturbateur, qui va compromettre le baiser de Victor Hugo, qu’il rate. « Blanche » de Victor-Louis-Amédée Pommier (1804-1877) extrait de Colifichets, jeux de rimes (1860) est ce sonnet dans lequel l’auteur nous décrit une magnifique créature de façon élogieuse. Sous forme de chute nous apprenons que l’animal dont s’est épris l’auteur est une chatte blanche. « L’albatros » est un poème de Charles Baudelaire (1821-1867). C’est le deuxième poème de la seconde édition 1861 du recueil Les Fleurs du mal. L’histoire remonterait à un incident du voyage à La Réunion, on y voit des marins maltraitant des albatros. Baudelaire choisit cet oiseau représentant la dualité de l'homme ; il représente surtout le poète, incompris.

« Le cygne » est un poème de Sully Prudhomme (1839-1907) extrait de son recueil Les solitudes datant de 1869. En prose, celui-ci exprime la beauté, la grâce et la journée d’un cygne sur un lac dans un cadre naturel, calme et silencieux. Dans ce poème l’auteur nous donne une nouvelle façon de voir cet animal pourtant anodin mais qui inspire par sa façon d’être. Réflexion peinture acrylique de Bonnie Amlin, artiste peintre canadien. « La grenouille » est écrit par Albert Samain (1858-1900) qui met en scène une grenouille apeurée et farouche rencontrant une fillette qui la pourchasse. On y voit une joie et une fascination du personnage dans l’évolution de ce poème mais tout en étant conscient de la peur de cette grenouille prise en otage. « L’écrevisse » de Guillaume Apollinaire est extrait du recueil Le bestiaire (1911). Le poète compare le genre humain avec l’écrevisse par des comparatifs et des verbes d’actions. Il nous passe un message pour nous dire que parfois nous avançons en reculant comme les écrevisses !

Comme un Chevreuil

Comme un Chevreuil, quand le printemps détruit L’oiseux cristal de la morne gelée, Pour mieux brouter l’herbette emmiellée Hors de son bois avec l’Aube s’enfuit,

Et seul, et sûr, loin de chien et de bruit, Or sur un mont, or dans une vallée, Or près d’une onde à l’écart recelée, Libre folâtre où son pied le conduit :

De rets ni d’arc sa liberté n’a crainte, Sinon alors que sa vie est atteinte, D’un trait meurtrier empourpré de son sang :

Ainsi j’allais sans espoir de dommage, Le jour qu’un œil sur l’avril de mon âge Tira d’un coup mille traits dans mon flanc.

Pierre de Ronsard, Les amours de Cassandre, 1552

La cour du Lion Sa Majesté Lionne un jour voulut connaître De quelles nations le Ciel l'avait fait maître. Il manda donc par députés Ses vassaux de toute nature, Envoyant de tous les côtés Une circulaire écriture, Avec son sceau. L'écrit portait Qu'un mois durant le Roi tiendrait Cour plénière, dont l'ouverture Devait être un fort grand festin, Suivi des tours de Fagotin. Par ce trait de magnificence Le Prince à ses sujets étalait sa puissance. En son Louvre il les invita. Quel Louvre ! Un vrai charnier, dont l'odeur se porta D'abord au nez des gens. L'Ours boucha sa narine : Il se fût bien passé de faire cette mine, Sa grimace déplut. Le Monarque irrité L'envoya chez Pluton faire le dégoûté. Le Singe approuva fort cette sévérité, Et flatteur excessif il loua la colère Et la griffe du Prince, et l'antre, et cette odeur : Il n'était ambre, il n'était fleur, Qui ne fût ail au prix. Sa sotte flatterie Eut un mauvais succès, et fut encore punie. Ce Monseigneur du Lion-là Fut parent de Caligula. Le Renard étant proche : Or çà, lui dit le Sire, Que sens-tu ? Dis-le-moi : parle sans déguiser. L'autre aussitôt de s'excuser, Alléguant un grand rhume : il ne pouvait que dire Sans odorat ; bref, il s'en tire. Ceci vous sert d'enseignement : Ne soyez à la cour, si vous voulez y plaire, Ni fade adulateur, ni parleur trop sincère, Et tâchez quelquefois de répondre en Normand. Jean de La Fontaine. Livre VII

Conseil tenu par les Rats

Un Chat, nommé Rodilardus Faisait des Rats telle déconfiture Que l’on n’en voyait presque plus, Tant il en avait mis dedans la sépulture. Le peu qu’il en restait, n’osant quitter son trou, Ne trouvait à manger que le quart de son sou, Et Robillard passait, chez la gent misérable, Non pour un Chat, mais pour un Diable. Or un jour qu’au haut et au loin Le galant alla chercher femme, Pendant tout le sabbat qu’il fit avec sa Dame, Le demeurant des Rats tint chapitre en un coin Sur la nécessité présente. Dès l’abord, leur Doyen, personne fort prudente, Opina qu’il fallait, et plus tôt que plus tard, Attacher un grelot au cou de Rodilard ; Qu’ainsi, quand il irait en guerre, De sa marche avertis, ils s’enfuiraient en terre ; Qu’il n’y savait que ce moyen. Chacun fut de l’avis de Monsieur le Doyen, Chose ne leur parut à tous plus salutaire. La difficulté fut d’attacher le grelot. L’un dit : “Je n’y vais point, je ne suis pas si sot”; L’autre : “Je ne saurais.”Si bien que sans rien faire On se quitta. J’ai maints Chapitres vus, Qui pour néant se sont ainsi tenus ; Chapitres, non de Rats, mais Chapitres de Moines, Voire chapitres de Chanoines. Ne faut-il que délibérer, La Cour en Conseillers foisonne ; Est-il besoin d’exécuter, L’on ne rencontre plus personne. Jean de La Fontaine

Le chat Viens, mon beau chat, sur mon cœur amoureux ; Retiens les griffes de ta patte, Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux, Mêlés de métal et d’agate.

Lorsque mes doigts caressent à loisir Ta tête et ton dos élastique, Et que ma main s’enivre du plaisir De palper ton corps électrique,

Je vois ma femme en esprit. Son regard, Comme le tien, aimable bête Profond et froid, coupe et fend comme un dard,

Et, des pieds jusques à la tête, Un air subtil, un dangereux parfum Nagent autour de son corps brun.

Charles Baudelaire, Les fleurs du mal

La Coccinelle Elle me dit : « Quelque chose Me tourmente. » Et j’aperçus Son cou de neige, et, dessus, Un petit insecte rose. J’aurais dû, — mais, sage ou fou, À seize ans, on est farouche, — Voir le baiser sur sa bouche Plus que l’insecte à son cou. On eût dit un coquillage ; Dos rose et taché de noir. Les fauvettes pour nous voir Se penchaient dans le feuillage. Sa bouche fraîche était là ; Je me courbai sur la belle, Et je pris la coccinelle ; Mais le baiser s’envola. « Fils, apprends comme on me nomme, » Dit l’insecte du ciel bleu, « Les bêtes sont au bon Dieu, Mais la bêtise est à l’homme. » Victor Hugo, Les Contemplations (I), 1856

Blanche

Blanche a de grands yeux bleus d'une douceur insigne, Qu'elle ferme à demi, d'un air tendre et mourant. Son petit nez mutin est rose et transparent ; Elle a dans ses contours des mollesses de cygne.

De son corps assoupli l'harmonieuse ligne Enchante le regard qui va la parcourant, Et l'on peut admirer le grand soin qu'elle prend D'être à la fois aimable et caressante et digne.

Elle est svelte et légère, et vous n'entendez pas, Quand elle vient à vous, le moindre bruit de pas, Tant de ses petits pieds la marche est délicate !

Le voyant si charmant et si mignon en tout, Si douce en ses façons, mise de si bon goût, On en est amoureux. — Mais Blanche... est une chatte. Amédée Pommier.

L'albatros Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers, Qui suivent, indolents compagnons de voyage, Le navire glissant sur les gouffres amers. A peine les ont-ils déposés sur les planches, Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux, Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches Comme des avirons traîner à côté d'eux. Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule ! Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid ! L'un agace son bec avec un brûle-gueule, L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait ! Le Poète est semblable au prince des nuées Qui hante la tempête et se rit de l'archer ; Exilé sur le sol au milieu des huées, Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.

Charles BAUDELAIRE

Le cygne Sans bruit, sous le miroir des lacs profonds et calmes, Le cygne chasse l'onde avec ses larges palmes, Et glisse. Le duvet de ses flancs est pareil À des neiges d'avril qui croulent au soleil ; Mais, ferme et d'un blanc mat, vibrant sous le zéphire, Sa grande aile l'entraîne ainsi qu'un lent navire. Il dresse son beau col au-dessus des roseaux, Le plonge, le promène allongé sur les eaux, Le courbe gracieux comme un profil d'acanthe, Et cache son bec noir dans sa gorge éclatante. Tantôt le long des pins, séjour d'ombre et de paix, Il serpente, et laissant les herbages épais Traîner derrière lui comme une chevelure, Il va d'une tardive et languissante allure ; La grotte où le poète écoute ce qu'il sent, Et la source qui pleure un éternel absent, Lui plaisent : il y rôde ; une feuille de saule En silence tombée effleure son épaule ; Tantôt il pousse au large, et, loin du bois obscur, Superbe, gouvernant du côté de l'azur, Il choisit, pour fêter sa blancheur qu'il admire, La place éblouissante où le soleil se mire. Puis, quand les bords de l'eau ne se distinguent plus, À l'heure où toute forme est un spectre confus, Où l'horizon brunit, rayé d'un long trait rouge, Alors que pas un jonc, pas un glaïeul ne bouge, Que les rainettes font dans l'air serein leur bruit Et que la luciole au clair de lune luit, L'oiseau, dans le lac sombre, où sous lui se reflète La splendeur d'une nuit lactée et violette, Comme un vase d'argent parmi des diamants, Dort, la tête sous l'aile, entre deux firmaments. René-François Sully Prudhomme.

La grenouille En ramassant un fruit dans l’herbe qu’elle fouille, Chloris vient d’entrevoir la petite grenouille Qui, peureuse, et craignant justement pour son sort, Dans l’ombre se détend soudain comme un ressort, Et, rapide, écartant et rapprochant les pattes, Saute dans les fraisiers, et, parmi les tomates, Se hâte vers la mare, où, flairant le danger, Ses sœurs, l’une après l’autre, à la hâte ont plongé. Dix fois déjà Chloris, à la chasse animée, L’a prise sous sa main brusquement refermée ; Mais, plus adroite qu’elle, et plus prompte, dix fois La petite grenouille a glissé dans ses doigts. Chloris la tient enfin ; Chloris chante victoire ! Chloris aux yeux d’azur de sa mère est la gloire. Sa beauté rit au ciel ; sous son large chapeau Ses cheveux blonds coulant comme un double ruisseau Couvrent d’un voile d’or les roses de sa joue ; Et le plus clair sourire à ses lèvres se joue. Curieuse, elle observe et n’est point sans émoi À l’étrange contact du corps vivant et froid. La petite grenouille en tremblant la regarde, Et Chloris dont la main lentement se hasarde A pitié de sentir, affolé par la peur, Si fort entre ses doigts battre le petit cœur. Albert SAMAIN

L’ ’écrevisse Incertitude, ô mes délices Vous et moi nous nous en allons Comme s’en vont les écrevisses, À reculons, à reculons. Guillaume apollinaire