POUR UN OUI OU POUR UN NON : Nathalie Sarraute ORAL

POUR UN OUI OU POUR UN NON: Nathalie Sarraute ORAL : Extrait 1 La scène d'exposition : changement, éloignement passé commun : amitié ancienne...

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POUR UN OUI OU POUR UN NON : Nathalie Sarraute ORAL : Extrait 1 La scène d'exposition : changement, éloignement passé commun : amitié ancienne Connecteurs logiques (adverbe, conjonction de coordination)/ modalités de phrase (excl, interro) thème du tropisme : analyse de l'implicite Souligné + italiques = explications champ lexical de la parole H1: Ecoute, je voulais te demander... C'est un peu pour ça que je suis venu... je voudrais savoir... que s'est-il passé? Qu'est-ce que tu as contre moi? Soulève le pb = enjeu de la pièce, de l'intrigue à venir- ce qui sépare H1 de H2! H2: Mais rien... Pourquoi? Conjonction de coordination: opposition/ Nie les faits H1: Oh, je ne sais pas... Il me semble que tu t'éloignes... tu ne fais plus jamais signe... il faut toujours que ce soit moi... adv “jamais”, “toujours” s'opposent comme “tu” et “moi” H2: Tu sais bien: je prends rarement l'initiative, j'ai peur de déranger. H1: Mais pas avec moi? Tu sais que je te le dirais... Nous n'en sommes tout de même pas là... (rupture peu envisageable par H1 car relation ancienne et solide) Non, je sens qu'il y a quelque chose... H2: Mais que veux-tu qu'il y ait? Opposition, nie les faits H1: C'est justement ce que je me demande. J'ai beau chercher... jamais... depuis tant d'années... il n'y a jamais rien eu entre nous... rien dont je me souvienne... H2: Moi, par contre, il y a des choses que je n'oublie pas. Tu as toujours été très chic... il y a eu des circonstances... adv d'opposition/ on devine des “choses” à lui reprocher! Mais chge de sujet “très chic” H1: Oh qu'est-ce que c'est? Toi aussi, tu as toujours été parfait... un ami sûr... Tu te souviens comment on attendrissait ta mère?... prend la balle au bond et pense aller dans le sens de son ami, se remémorer les “choses” agréables, les bons moments du passé. H2: Oui, pauvre maman... Elle t'aimait bien... elle me disait: « Ah lui, au moins, c'est un vrai copain, tu pourras toujours compter sur lui ». C'est ce que j'ai fait, d'ailleurs. H1: Alors? Incompréhension de H1 sur la froideur de H2, puisqu'ils st d'accord sur leur amitié. Attend une explication H2, hausse les épaules: … Alors... que veux-tu que je te dise! Pas de déduction logique (“alors” = conj coordi° qui amène une conclusion) or H1 attend cet aveu. H2 tjrs en retrait et sur la défensive, agacé: cf exclamation H1: Si, dis-moi... (cherche à le faire parler, à avouer) je te connais trop bien: il y a quelque chose de changé... Tu étais toujours à une certaine distance... de tout le monde, du reste... mais maintenant avec moi... encore l'autre jour, au téléphone... tu étais à l'autre bout du monde... ça me fait de la peine, tu sais... H2, dans un élan: Moi aussi, figure-toi... exalté, expressif H1: Ah tu vois, j'ai donc raison... H2: Que veux-tu... je t'aime tout autant, tu sais... ne crois pas ça... mais c'est plus fort que moi... H1: Qu'est-ce qui est plus fort? Pourquoi ne veux-tu pas le dire? Il y a donc eu quelque chose... multiplie les q°, chercher à le faire parler H2: Non... vraiment rien... Rien qu'on puisse dire... introduit la notion de tropisme = sousconversation, ce qui est caché et qui le reste normalement, qui sera ici dévoilé ds la pièce, au centre de l'intrigue = analyse du langage H1: Essaie quand même... impératif = le faire parler H2: Oh non... je ne veux pas... H1: Pourquoi? Dis-moi pourquoi? Insistance de la répétition H2: Non, ne me force pas... H1: C'est donc si terrible? H2: Non, pas terrible... ce n'est pas ça... H1: Mais qu'est-ce que c'est, alors?

H2: C'est, c'est plutôt que ce n'est rien... ce qui s'appelle rien... ce qu'on appelle ainsi... en parler seulement, évoquer ça... ça peut vous entraîner... de quoi on aurait l'air? Personne, du reste... personne ne l'ose... on n'en entend jamais parler... tropisme = analyse des sousconversations, de l'implicite de la langue H1: Eh bien, je te demande au nom de tout ce que tu prétends que j'ai été pour toi... au nom de ta mère... de nos parents... je t'adjure solennellement, tu ne peux plus reculer... Qu'est-ce qu'il y a eu? Dis-le... tu me dois ça...devient très pressant, curiosité exacerbée, “demander”, “adjurer solennellement” = gradation de l'insistance ds la demande, presqu'exagérée et qui amuse ici entre amis H2, piteusement: Je te dis: ce n'est rien qu'on puisse dire... rien dont il soit permis de parler... reste sur la même position/ vbs “pouvoir, permettre” = obstacle fort qui l'empêche de parler, d'ordre moral “ça ne se fait pas ds la société” H1: Allons, vas-y... impératif = le faire parler H2: Eh bien, c'est juste des mots... commence un début d'explication, vague H1: Des mots? Entre nous? Ne me dis pas qu'on a eu des mots... ce n'est pas possible... et je m'en serais souvenu... comprend mal, H1 se méprend car H2 est vague “avoir des mots” = une dispute H2: Non, pas des mots comme ça... d'autres mots... pas ceux dont on dit qu'on les a « eus »... Des mots qu'on n'a pas « eus», justement... On ne sait pas comment ils vous viennent... paradoxe! Reprend l'expression usuelle “avoir des mots” et la détourne = c'est ce qu'on n'a pas dit qui fait pb! H1: Lesquels? Quels mots? Tu me fais languir... tu me taquines... moquerie, le prend à la légère H2: Mais non, je ne te taquine pas... Mais si je te les dis... hésite, adv opp° et négation H1: Alors, qu'est-ce qui se passera? Tu me dis que ce n'est rien... H2: Mais justement, ce n'est rien... Et c'est à cause de ce rien... H1: Ah on y arrive... C'est à cause de ce rien que tu t'es éloigné? Que tu as voulu rompre avec moi? H1 satisfait de trouver une explication, même incomplète. A obtenu un début de réponse à ses q°, sa stratégie est récompensée H2, soupire: Oui... c'est à cause de ça... Tu ne comprendras jamais... Personne, du reste, ne pourra comprendre... adv d'affirmat°! Reprise de “comprendre”, difficulté d'analyser le tropisme puisque par définition, il relève de ce qui est caché, sous-entendu, non-dit...donc non analysé dans la vie courante. Généralise “tu”, “personne” = prend à témoin le spectateur, qui comme H1, est en attente, veut comprendre (double-énonciation efficace ici)= noeud de l'intrigue!

Q° : En quoi ce début de pièce est peu conventionnel ? Des personnages peu définis : – une amitié ancienne menacée = ce que comprend le spectateur des répliques échangées dès le début l.1 à 20 – un début in medias res, qui nous laisse découvrir la relation entre H1 et H2 progressivement, à la manière d'une enquête, comme celle que fait H1 auprès de H2 Le moteur du dialogue = q° de H1, qui sont le relais de nos propres q° – aucun cadre spatio-temporel, pas de didascalie initiale et peu de didascalies : seulement 2 indications de sentiments pour H2. Volonté de l'auteure de ne pas insister sur ces détails matériels, l'intrigue s'intéresse moins aux personnages, à leur statut social qu'à ce qu'ils disent – des personnages non définis par les traits habituels : nom, statut social, lieu de vie... sont nommés par la lettre H désignant juste leur sexe masculin – Mais néanmoins, un début de caractérisation qui repose sur l'opposition des 2 personnages : l'un semble plus agité, émotif (didascalies/ adv de négation et conj coor° d'opp° fréquents, pts de suspension = hésitations), l'autre rationnel, sur de lui : mène le dialogue par ses q°, ses relances, son insistance à savoir le fin mot de l'histoire (impératifs), rapport de force en faveur de H1.

T° se rappeler que la pièce est à l'origine une pièce radiophonique, aussi l'aspect visuel et corporel est gommé au profit de la parole : un théâtre de mots Une intrigue qui repose sur « rien » – spectateur déstabilisé par les réponses de H2 : pas de révélation extraordinaire qui pourrait lancer une intrigue classique, juste un mot « rien » : répété, double sens. Intrigue ténue, repose sur pas gd chose. On comprend en fin d'extrait la cause « c'est à cause de ce rien que tu as voulu rompre avec moi ». Première fois que H2 acquiesce « Oui... » : il se rend malgré lui aux empressements de son ami, qui parvient à lui faire dire ce qu'il voulait cacher. Pourtant, le spectateur reste sur sa faim : quel est ce « rien » ? On n'en sait pas plus, il faudra poursuivre quelques répliques plus loin pour comprendre qu'il s'agit d'une phrase qui a blessé H2 « C'est bien... ça ». C'est sur cette phrase que va reposer la pièce ! – Difficulté à parler de ce qu'on ne dit habituellement pas : « H2 piteusement: Je te dis: ce n'est rien qu'on puisse dire... rien dont il soit permis de parler... » barrière morale, la société ne peut admettre qu'on la remette en cause par ce genre d'analyse langagière, ici rompre « pour un oui ou pour un non » serait jugé volage, futile, enfantin comme le montrera l'entrevue avec les voisins par la suite – un théâtre de la parole : omniprésence des verbes « dire », « demander », du chp lexical de la parole : H1 cherche à faire dire à H2 la raison de sa froideur, H2 hésite, empêché par la difficulté de dire cette cause qui serait malvenue et mal jugée par la société. T° Le jeu sur le double sens du mot « rien », adv de négation mais aussi nom propre qui désigne un petit quelque chose, est au cœur de l'analyse de Sarraute dans cet extrait et signe un théâtre d'un genre nouveau, qui s'attache moins à la représentation théâtrale qu'aux mots eux-mêmes Un genre théâtral flou, qui déconstruit les repères du théâtre traditionnel : – tonalité peu définie, dépendra de la mise en scène, du jeu des acteurs : voir celle de Douillon, retenue, personnages très proches, intimité du lit, de la chambre close, des voix à peine portées... et pourtant une très gde présence des acteurs. Parti pris du repliement sur soi, afin de mieux mettre en valeur les mots et le cheminement de la querelle, sa raison.Tonalité pesante, presque dramatique// théâtre le « Divan », Avignon 2012 : H2 plus extériorisé, nerveux (frappe son stylo sur la table), H1 très à l'aise, voix forte, directif. Une tonalité plus légère, qui porte au comique de caractère. – dire l'indicible : un théâtre qui illustre la théorie du tropisme de Sarraute : mettre à jour les non-dits,ce qui est caché, souterrain dans le langage et la relation humaine Voir la difficulté de H2 à révéler ce qu'il ne peut concevoir de dire à H1, sous peine de le froisser : « j'ai peur de déranger// que veux-tu que je te dise !//ce qui s'appelle rien... ce qu'on appelle ainsi... en parler seulement, évoquer ça... ça peut vous entraîner... de quoi on aurait l'air? Personne, du reste... personne ne l'ose... on n'en entend jamais parler...// Des mots qu'on n'a pas « eus» : en parlant, H2 va à l'encontre des habitudes de la société, brise un tabou Il en conclut : « Tu ne comprendras jamais... Personne, du reste, ne pourra comprendre... Reprise de “comprendre”, difficulté d'analyser le tropisme puisque par définition, il relève de ce qui est caché, sous-entendu, non-dit...donc non analysé dans la vie courante. Généralise : “tu”, “personne” = prend à témoin le spectateur, qui comme H1, est en attente, veut comprendre (double-énonciation efficace ici)= noeud de l'intrigue! Une intrigue qui repose sur l'analyse des mots et l'implicite, ce que Sarraute nomme le tropisme.