TD 7 Responsabilité pour faute 1 - droit.unicaen.fr

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Travaux Dirigés de Droit Administratif 2e Semestre Licence 2

Séance 7 : La responsabilité pour faute

 Introduction et portée de l’arrêt CE, 17 décembre 2008, Ministre de la justice c/ M. et Mme Z. : Procédure : - Les parents de M. Z ont déposé plainte contre X pour homicide involontaire. Elle a abouti à une ordonnance de non lieu confirmée en appel le 13 septembre 2000. - M. et Mme Z se sont alors tournés vers la juridiction administrative et ont introduit une action indemnitaire contre l’Etat, en demandant une somme de 1 million de francs en réparation des préjudices liés au décès de leur fils. - Par jugement du 18 mai 2004, le TA de Versailles a accueilli leur demande sur le terrain du risque spécial (responsabilité pour risque) que l’administration aurait fait courir à M. Z. en l’incarcérant avec 3 jeunes personnes dans une cellule de 9m2 et en méconnaissant ainsi la réglementation concernant l’emprisonnement individuel des détenus de moins de 21 ans, ce qui l’aurait privé d’une chance de survie. Le TA a attribué à la famille de M. Z. une indemnité de 15 000 €pour trouble dans les conditions d’existence et douleur morale. - Ce jugement a été contesté tant par le Garde des Sceaux que par les parents de M. Z. - Dans son arrêt du 2 février 2006, la CAA de Versailles a retenu la responsabilité de l’Etat sur un fondement différent, celui du cumul de fautes (inaction de l’administration pénitentiaire quant au caractère inflammable et toxique des matelas, problème non ignoré par l’administration, absence de tout système efficace d’évacuation des fumées dans les cellules, l’impossibilité pour le surveillant d’agir rapidement). La Cour a confirmé l’évaluation du préjudice à 15 000€. - Le garde des Sceaux a formé un pourvoi en cassation. Moyens : - conteste l’appréciation des faits à laquelle s’est livrée la CAA - erreur dans la qualification juridique des faits, en caractérisant les faits comme constitutifs d’une faute. - erreur de droit, en ce que le JA retient une faute simple alors qu’il aurait dû rechercher s’il y avait une faute lourde - erreur de qualification juridique des faits au motif qu’il n’y aurait pas de lien de causalité direct entre les fautes commises et le préjudice invoqué par le requérant. La faute à l’origine du drame aurait été commise par le codétenu et non par l’administration pénitentiaire Problème de droit : Le retard pris par les surveillants pour éteindre le feu, retard imputable à certains dysfonctionnements ou manquements, est il susceptible de constituer une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat ? Sens de la décision : Le CE rejette le pourvoi formé par le Garde des Sceaux.

2 Motivation : - Sur la contestation des faits par le Garde des Sceaux, le CE précise que l’appréciation de la CAA est souveraine et que le juge de cassation ne saurait la remettre en cause sauf cas de dénaturation. - Rejet de l’erreur dans la qualification juridique des faits tant pour qualifier la faute que l’existence d’un lien de causalité direct entre les fautes et le préjudice, sachant que si l’incendie est bien inhérent au fait du codétenu, il n’aurait certainement pas eu les conséquences dramatiques que l’on connaît si les détenus n’avaient pas dû rester de longues minutes dans une cellule contenant des fumées hautement toxiques. - Enfin, le CE relève que la faute simple commise par l’administration pénitentiaire suffit à engager la responsabilité de l’Etat, sans qu’il y ait lieu de rechercher l’existence d’une faute lourde. Portée de l’arrêt : Le JA a évolué dans le domaine de la responsabilité de l’Etat du fait de la détention pénitentiaire et tend dans certains cas à substituer à un régime de responsabilité pour faute lourde, un régime de responsabilité pour faute simple. C’est le cas pour le suicide d’un détenu : Arrêt CE, 23 mai 2003, Mme Chabba. Dans cet arrêt, le CE avait estimé que la responsabilité des services pénitentiaires pouvait être engagée à raison du suicide d’un détenu, considéré comme la « conséquence d’une succession de fautes imputables au service pénitentiaire ». Par cette évolution jurisprudentielle, on est passé d’un régime de responsabilité pour faute lourde à un régime de responsabilité pour faute simple. Le CE dans un récent arrêt du 9 juillet 2007, M. D. a même retenu l’existence d’une seule faute, et non pas un cumul de fautes pour reconnaître la responsabilité de l’Etat. Jusqu’alors en matière d’organisation et de fonctionnement de la surveillance des détenus, l’engagement de la responsabilité de l’Etat relevait principalement d’un régime de faute lourde (CE 14. Nov. 1974, Dame Rolland). C’était le cas notamment pour les dommages causés entre codétenus, lorsque était en cause un défaut de surveillance (CE 15 Fév. 1971, Veuve Picard). L’exigence d’une faute lourde reposait sur l’idée que la surveillance exercée sur les détenus dans le cadre de la détention pénitentiaire est une tâche particulièrement difficile. Mais il y avait des controverses doctrinales sur ce régime de responsabilité, peu protecteur des droits des détenus et trop complexe. Il semblerait que le JA appliquait un régime de responsabilité sans faute pour acte ne se rattachant pas directement à la surveillance des détenus, pour les autres actes, c’est la faute lourde qui était retenue. Selon les cas, un incendie survenu en prison pouvait conduire à l’application d’un régime de responsabilité sans faute (CE 7 mai 1956, Sieurs Michel et Petit) ou lorsque l’incendie mettait en cause la surveillance des détenus, la faute lourde (CE, 26 mai 1978, Wachter). En dehors du cas du suicide, l’arrêt d’espèce est le premier arrêt dans lequel le CE retient une responsabilité pour faute simple de l’Etat en raison d’un dysfonctionnement en matière d’organisation et de fonctionnement de la surveillance des détenus. L’arrêt vient ainsi élargir la jurisprudence Chabba 2003. Certaines juridictions administratives de 1ère instance et d’appel avaient osé élargir le champ d’application de la jurisprudence Chabba à d’autres situations que le suicide (jugement TA Rouen, 17/09/04).

3 Par ailleurs, il faut noter qu’en l’espèce le juge se retrouve face à un ensemble de circonstances qui revêt le caractère d’une faute, ce qui est finalement assez proche de l’hypothèse de la succession de fautes, et de l’idée que toute erreur n’est pas fautive. A la lecture des conclusions du commissaire du gouvernement Isabelle De Silva, il ressort nettement qu’il est temps d’abandonner le régime de la faute lourde concernant le fonctionnement du service public pénitentiaire. Cette acception large de la jurisprudence Chabba apparaîtrait en cohérence avec l’évolution qui a consisté à abandonner la faute lourde y compris pour des activités de SP considérées comme un exercice difficile : service d’urgence (CE 1997, Theux).  Introduction et portée de l’arrêt CE, 8 février 2007, Gardedieu : Faits : - M. Gardedieu est chirurgien-dentiste et est adhérent à la Caisse autonome de retraite de cette profession. - Un décret du 27 février 1985 a modifié le régime de cotisation à cette caisse en augmentant la cotisation minimale obligatoire. Considérant que cette réforme était illégale, M. Gardedieu a continué à régler ses cotisations sur la base de la réglementation antérieure. - Litige opposant M. A. à la caisse de retraite des chirurgiens-dentistes porté devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Beauvais : M. Gardedieu a contesté les cotisations litigieuses en arguant de l’illégalité du décret. - Le tribunal des affaires de sécurité sociale de Beauvais surseoit à statuer : il demande que la question préjudicielle de la légalité du décret soit posée au CE. - Le 18 février 1994, le CE, statuant au contentieux, juge le décret entaché d’illégalité. - Le 25 juillet 1994, une loi valide rétroactivement les appels de cotisations effectués en application du décret du 27 février 1985, sauf pour les décisions de justice définitives. - Le tribunal des affaires de sécurité sociale, statuant après l’entrée en vigueur de la loi, décide en conséquence de rejeter la demande de M. Gardedieu qui a dû s’acquitter des cotisations litigieuses. M. A. recherche la responsabilité de l’Etat concernant cette loi et saisit pour ce faire le juge administratif : il situe sa demande sur le seul terrain de la responsabilité sans faute de l’Etat, régime dégagé par la décision du CE, Société La Fleurette de 1938. Procédure : - TA de Paris, 9 avril 2002 : refus de condamner l’Etat à l’indemnisation du préjudice du fait de l’intervention de la loi du 25 juillet 1994. - CAA statue comme le TA - Le requérant saisit le CE

Moyens :

4 Erreur de droit de la CAA : la loi du 25 juillet 1994 est incompatible avec l’article 6§1 CEDH : le fait pour l’Etat d’adopter une loi à portée rétroactive dont la conséquence est la validation des décisions objet du procès est contraire au droit de toute personne à un procès équitable. Cette ingérence ne peut être justifiée que par « un motif impérieux d’intérêt général ». Or la CAA a considéré l’ingérence justifiée par « un but d’intérêt général suffisant ». → Le requérant demande à ce que soit engagée la responsabilité de l’Etat. Problématique : Le préjudice causé à un particulier par une loi inconventionnelle peut-il donner lieu à l’engagement de la responsabilité de l’Etat ? Et si oui, cela doit-il intervenir sur le terrain de la responsabilité pour faute ? Cette question amène le juge à poser trois questions successives : - la loi est-elle inconventionnelle ? - la reconnaissance de la responsabilité de l’Etat à raison des lois inconventionnelles est-elle nécessaire ? - Si oui, quelle forme doit prendre un tel régime de responsabilité ? Sens de la décision : Responsabilité de l’Etat du fait des lois méconnaissant les engagements internationaux de la France. Motivation : Le juge statue en deux temps : → accueil du moyen de l’erreur de droit : l’Etat, en prenant une loi à portée rétroactive dont la conséquence est la validation des décisions objet de procès en cours, a méconnu le droit de toute personne à un procès équitable. → statue sur l’affaire au fond : la seule possibilité pour l’Etat de ne pas engager sa responsabilité est de justifier sa législation par d’impérieux motifs d’intérêt général. Portée : Cette question est posée pour la première fois au CE. Cet arrêt consacre la responsabilité de l’Etat du fait des lois méconnaissant les engagements internationaux. Le CE, en statuant ainsi, a voulu se conformer aux exigences convergentes des jurisprudences internationales, communautaires et européennes imposant aux Etats de réparer les préjudices résultant de la violation des conventions internationales par une norme nationale, et notamment par une loi. Le CE consacre, à côté de la classique responsabilité sans faute du fait des lois fondée sur la rupture de l’égalité devant les charges publiques issue de l’arrêt La Fleurette, une responsabilité de l’Etat du fait des lois méconnaissant les engagements internationaux de la France, subordonnée exclusivement à l’existence d’un préjudice et à un lien direct de causalité entre ce préjudice et la méconnaissance de l’engagement. Cette décision a suscité des divergences d’interprétation concernant le fondement de cette nouvelle responsabilité du fait des lois. La question est de savoir s’il faut rattacher l’arrêt aux fondements classiques de la responsabilité administrative ou s’il faut considérer qu’il repose sur un fondement original, distinct des traditionnelles responsabilités pour faute et sans faute.

5 • 1er considérant : « d’une part… » : le CE rappelle les conditions auxquelles est subordonnée la responsabilité sans faute du fait des lois depuis la jp. La Fleurette : possibilité pour la victime d’un dommage causé par une loi d’obtenir réparation sur le terrain de la responsabilité sans faute : - la loi ne doit pas avoir exclu toute indemnisation - préjudice grave et spécial - le préjudice ne doit pas être regardé comme une charge incombant normalement aux intéressés. Le CE ne se fonde pas sur cette jp. mais la rappelle tout de même. La question s’est en effet posée de savoir si cet arrêt consacrait la responsabilité pour faute du législateur. - Arguments en faveur de la reconnaissance de la responsabilité pour faute : - en méconnaissant ses engagements internationaux, l’Etat contrevient à une obligation préexistante et commet une faute. - Le régime de responsabilité adopté emprunte à celui de la responsabilité pour faute la réparation intégrale et universelle des préjudices. R. Chapus est favorable à la reconnaissance de cette responsabilité qui lui semble être la conséquence logique du contrôle des la conventionalité des lois : « apprécier une loi comme n’étant pas compatible avec une norme qui lui est supérieure, c’est en faire ressortir l’irrégularité […] c’est reconnaître que le législateur a commis une faute… ». - Arguments contre la reconnaissance de la responsabilité pour faute : - le mot « faute » n’est pas prononcé dans l’arrêt. - Lorsque le JA exerce son contrôle de conventionalité et qu’il écarte la loi, il ne porte pas pour autant un jugement de valeur sur elle. Il l’écarte parce que l’article 55 de la C° l’habilite à le faire en raison de la hiérarchie qu’il établit entre normes internes et normes internationales. - Le moyen de l’incompatibilité de la loi avec l’article 6§1 de la CEDH susceptible d’engager la responsabilité de l’Etat était présenté pour la 1ère fois en appel. Le CE n’a pas estimé qu’il s’agissait d’une demande nouvelle, ce qui aurait été le cas si l’on considère ce moyen comme relevant de la responsabilité pour faute, seul le moyen de la responsabilité sans faute ayant été invoqué devant le TA. - Peut-on envisager une autre hypothèse de responsabilité sans faute ? 2 types de responsabilité sans faute : - responsabilité pour risque : à écarter puisque le requérant n’a pas été exposé à un risque particulier + pas d’élément accidentel. - responsabilité pour rupture de l’égalité devant les charges publiques : exclue également. Le CE ne se fonde pas sur la jp. La Fleurette, mais la rappelle tout de même : dans le considérant de principe, il synthétise ainsi l’opposition entre les deux catégories de responsabilités du fait des lois. Les jp. La Fleurette et Gardedieu sont différentes et coexistent. Les freins à l’application de la jp. La Fleurette disparaissent dans l’hypothèse de l’arrêt Gardedieu : la réparation de l’ensemble des préjudices est admise, et la responsabilité

6 ne peut être fondée sur la rupture d’égalité devant les charges publiques « puisque ce sont tous les destinataires de la loi qui sont victimes et non certains d’entre eux ». Si l’arrêt Gardedieu ne repose ni sur la responsabilité pour faute ni sur la responsabilité sans faute, quel est dès lors son fondement ? S’agit-il d’un type de responsabilité sui generis en marge des classifications traditionnelles ? C’est une proposition du commissaire du gouvernement, mais il n’est pas certain que son raisonnement ait été suivi par le CE… certains pensent que l’arrêt est conforme aux conclusions et qu’ainsi l’arrêt repose sur un fondement original constituant à lui seul une cause autonome. Doute sur l’adoption de cette solution : le CE a admis que la CAA ait accueilli le moyen tiré de la responsabilité du fait d’une loi inconventionnelle, alors qu’il était présenté en appel pour la 1ère fois devant elle. Si cette responsabilité constituait une cause autonome, son invocation aurait été une demande nouvelle. Or l’arrêt admet implicitement la recevabilité du moyen. Le motif de principe de la décision laisse penser que le CE a souhaité ajouter une 2nde branche au régime de la responsabilité du fait des lois, qui constituerait une cause juridique à lui seul. Ainsi, considérer que la responsabilité du fait des lois constitue une seule cause, composée de 2 branches, supprime l’obstacle tenant à la nouveauté du moyen : le CE n’avait pas à s’interroger sur le bien-fondé de la recevabilité du moyen admise par la CAA, dès lors que, reposant sur la même cause que celle invoquée en 1ère instance, il ne constituait pas une demande nouvelle en appel. Cette analyse résout le problème procédural en le supprimant et donne sur ce point toute sa cohérence à l’arrêt. 2 branches distinctes mais complémentaires de l’autre. Le particularisme de la jp. La Fleurette tient à ce que le législateur peut écarter l’indemnisation. Celui de l’arrêt Gardedieu vient de ce que, refusant de stigmatiser la faute du législateur, le CE a instauré une responsabilité objective, proche cependant de la responsabilité pour faute. Mais le CE n’a pas voulu franchir le pas et porter un jugement de valeur sur la loi. Il arrive au résultat souhaité sans avoir à dénoncer la faute du législateur. = unité de la responsabilité du fait des lois. A la construction binaire (responsabilité pour faute/responsabilité sans faute) semble s’ajouter une 3ème composante, ce qui bouleverserait l’équilibre réalisé progressivement autour de 2 catégories de responsabilité identifiées par rapport à leurs fondements. La nouvelle catégorie se définirait par rapport à la spécificité de la norme contrôlée, ce qui rompt l’harmonie générale.

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 Dissertation : La responsabilité de l’Etat législateur La responsabilité de l’Etat législateur est-elle véritablement effective, n’est-elle pas réduite à quelques cas d’école, et ce notamment au regard du statut spécifique de la loi objet du conflit ici ? I)

la rupture d’égalité devant les charges publiques au fondement de la responsabilité de l’Etat législateur : un cas rare = Une difficile reconnaissance et mise en œuvre de la responsabilité de l’Etat législateur A. L’arrêt de principe : la jurisprudence La Fleurette Expliquer la responsabilité pour rupture d’égalité devant les charges publiques

B. Les limites posées à l’application de cette jurisprudence : les conditions strictes de mise en œuvre - nécessité d’un silence total de la loi sur une possible indemnisation. - existence d’un préjudice anormal et spécial rarement remplie, car le plus souvent généralité des règles législatives - La législation obéit à un intérêt général prééminent qui justifie en lui même une atteinte à l’égalité devant les charges publiques Conditions qui expliquent la rareté des cas d’application jurisprudentielle II)

La récente reconnaissance jurisprudentielle de la responsabilité de l’Etat du fait des lois contraires aux engagements internationaux : un régime de responsabilité difficile à définir. A. La jp. Gardedieu B. Les interrogations sur la nature du régime de cette responsabilité

Correction du galop d’essai Dissertation : – Le juge administratif et la suprématie de la norme constitutionnelle. Le juge administratif a une mission simple : celle de censurer, lorsqu’il est saisi par la voie du REP, l’illégalité des actes administratifs. Il est le juge de la légalité des actes administratifs, juge de la légalité, entendu au sens large, c’est-à-dire : veiller à ce que les actes administratifs soumis à son contrôle respectent les normes qui lui sont supérieures, telle la loi mais également la Constitution (C°), qui est la norme suprême dans l’ordre juridique (OJ) interne. Le juge administratif (JA) ne va pas toujours être en mesure de faire respecter la suprématie de la C°, soit parce que les actes pour lesquels il est saisi se révèlent être des actes insusceptibles de recours (les actes de gouvernement), soit parce que la loi constitue un obstacle à leur contrôle, le JA n’étant pas compétent pour contrôler la loi (théorie de l’écran

8 législatif), soit en raison du conflit entre deux OJ : l’OJ interne et l’OJ international (conflit exacerbé entre l’OJ interne et l’OJ communautaire, en raison de la place prépondérante du droit communautaire en droit français), qui ne reconnaissent pas la même norme suprême (arrêt CJCE Costa c/ Enel 1964, Décision CC juin 2004, Traité établissant une C° pour l’Europe). Le JA, ainsi confronté à certaines difficultés pour faire respecter la suprématie de la C°, est-il en mesure de veiller au respect plein et entier du principe de légalité ?

I] Les compétences limitées du JA pour rendre effective la suprématie de la C° dans l’OJ interne A] Les obstacles posés par le JA - théorie jurisprudentielle de l’écran législatif Arrêts de principe : arrêt CE Arrighi, 1936 et arrêt CE 1989, Roujansky. Expliquer les conséquences importantes de la théorie de l’écran législatif sur l’effectivité de la suprématie de la C° et la difficulté pour le JA à faire respecter cette suprématie. Défaillance du JA palliée par la révision constitutionnelle de juillet 2008 qui a instauré la procédure d’exception d’inconstitutionnalité. Mais procédure limitée aux atteintes aux droits et libertés. Loi organique en attente. -

la difficulté d’invoquer certaines dispositions constitutionnelles, qui ne peuvent dès lors s’imposer aux actes administratifs, arrêt CE, 2006, Association Eaux et Rivières de Bretagne B] Les tentatives du JA pour lever les obstacles au respect de la C°

- Les contournements de la théorie de la loi écran : Contrôle indirect de constitutionnalité par le contrôle de conventionalité des lois pratiqué depuis 1989 (arrêt Nicolo), la théorie de l’écran transparent (arrêt CE, Quintin 1991), l’interprétation de la loi par le JA pour la rendre conforme à la C°, utilisation des réserves d’interprétation du CC (arrêt CE, Lesourd 2007), l’abrogation implicite de la loi contraire à une disposition constitutionnelle postérieure (arrêt CE, syndicat national des huissiers de justice, 2005). - l’évolution de la jurisprudence du JA concernant l’invocabilité des dispositions constitutionnelles : arrêt CE, 2008, Commune d’Annecy.

II] Le conflit entre deux ordres juridiques sur la place occupée par la C° : la difficulté pour le JA à asseoir la suprématie de la C°. A] La place de la C° dans la hiérarchie des normes : une place variant selon l’OJ concerné. Arrêt, Koné, 1996 ; arrêt, CE Sarran 1998 concernant le conflit droit international/C° ; arrêt CE, 2001, Synd. national de l’industrie pharmaceutique concernant le conflit droit communautaire/ C° ; arrêt CJCE, Costa c/ Enel, 1964. Arrêt CE, SARL du parc d’activité de Blotzheim,1998 ; arrêt CE, Commune de Porta, 2002.

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B] La tentative de conciliation entre les visions opposées des OJ interne et communautaire. Arrêt CE, Arcelor, 2007, reprise de la logique développée par le CC dans sa décision de novembre 2006 « loi relative au secteur de l’énergie », dont les bases furent posées dans sa décision du 10 juin 2004, « Loi pour la confiance dans l’économie numérique ». Risque de condamnation de la France pour non respect du droit communautaire si elle fait prévaloir la Constitution.

Commentaire de l’arrêt CAA de Bordeaux, 24/02/2009. Faits : - M. Cédric M., gardien de la police municipale, a refusé d’accomplir les missions qui lui étaient attribuées, a injurié ses supérieurs, a été agressif avec des agents territoriaux et des administrés. Il aurait ainsi manqué à ses obligations de service à plusieurs reprises. - le 7 août 2006, le préfet de la Gironde lui retire son agrément en qualité de policier municipal. - le 31 août 2006, le maire de Parempuyre le suspend de ses fonctions. - le 20 septembre 2006, le maire le révoque de ses fonctions. Procédure : - M. Cédric M. saisit le TA de Bordeaux : il demande l’annulation de la mesure de suspension de ses fonctions du 31 août 2006 et de l’arrêté du 20 septembre 2006. - TA Bordeaux, le 22 janvier 2008 rend un jugement de rejet. - M. Cédric M. interjette appel du jugement devant la CAA de Bordeaux le 18 mars 2008. Moyens : - Défaut de base légale : la révocation des fonctions prise à l’encontre de M. Cédric M. aurait été prise par le maire sur le fondement de l’arrêté préfectoral du 7 août qui serait illégal ; la révocation en serait illégale. - Erreur manifeste d’appréciation des faits : les faits reprochés à M. M. ne seraient pas de nature à justifier la révocation. - Détournement de pouvoir. - Défaut de motivation. - Vice de procédure. Problème de droit : L’arrêté de révocation est-il légal ? Les faits reprochés constituent-ils une faute ? Si oui, la faute justifie-t-elle la sanction disciplinaire de révocation ? Décision : Rejet de la requête de M. M.

Motivation :

10 - Le maire ne s’est pas fondé sur l’arrêté préfectoral du 7 août 2006, mais sur l’existence de fautes, seule base légale de la sanction. - Pour juger de l’erreur manifeste d’appréciation, le juge raisonne en deux temps :  sur l’existence de la faute : le juge opère un contrôle normal, c’est-à-dire dans un premier temps un contrôle de l’exactitude matérielle des faits, puis dans un second temps un contrôle de la QJF.  sur le choix de la sanction : le juge opère un contrôle restreint, c’est-à-dire dans un premier temps un contrôle de l’exactitude matérielle des faits, puis dans un second temps un contrôle de l’EMAF. - Le juge retient les motifs du TA de Bordeaux pour rejeter le détournement de pouvoir, le défaut de motivation et le vice de procédure.

I] L’existence de la faute : préalable nécessaire à la sanction disciplinaire A) La faute : condition légale de la sanction La sanction ne se fonde pas sur l’arrêté préfectoral. Le JA précise que la sanction ne peut se fonder légalement que sur l’existence de fautes et écarte ainsi le moyen invoqué par le requérant du défaut de base légale qui serait constitué au motif que l’arrêté préfectoral de retrait d’agrément serait illégal et ne pourrait donc fonder légalement l’arrêté municipal. B) Le contrôle de l’erreur de faits sur l’existence de la faute Compétence liée de l’administration sur la qualification de la faute, ce qui explique que le JA procède à un contrôle normal sur l’existence de la faute. Exactitude matérielle des faits + contrôle de la qualification juridique des faits, reprise de la jurisprudence CE, Lebon, 1978 et CE, Melle R., 2005.

II] Le rejet d’une disproportion manifeste entre les fautes commises et la sanction disciplinaire prononcée. A) Un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation sur la sanction Compétence discrétionnaire de l’administration pour le choix de la sanction justifiant le contrôle restreint auquel se livre le JA, c’est-à-dire un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation (erreur grossière). Reprise de la jurisprudence du CE Lebon 1978. B) Vers un renforcement du contrôle sur le choix de la sanction ? Deux contrôles de nature différente : un contrôle normal sur la qualification de la faute et un contrôle restreint sur le choix de la sanction pour connaître de la légalité de l’arrêté municipal de révocation. Concernant la sanction, l’administration n’a pas, le plus souvent, un large panel de choix quant à la sanction susceptible d’être prononcée, de telle sorte que l’on pourrait envisager que l’administration a une compétence liée et que le JA opère un contrôle qui se rapproche davantage d’un contrôle normal du choix de la sanction que d’un contrôle restreint.