L'image de la société dans les contes de Guy de Maupassant

les contes de Guy de Maupassant ... La question qui se pose de prime abord est quelle est l‘image de la société que nous décrit Maupassant dans son...

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Université Al-Mustansirya Faculté des Lettres Département de Français

L'image de la société dans les contes de Guy de Maupassant

Recherche préparée par Dr Jamil Fattouhi MIKHA

La question qui se pose de prime abord est quelle est l‘image de la société que nous décrit Maupassant dans son œuvre. Nombreux sont les écrivains qui ont esquissé l’image de leur époque: la Rochfoucauld dans “Caractères”, Montaigne dans ses “ Essais” Molière dans ses pièces et bien d’autres ont peint l’image de leur société, mais le cas particulier de Maupassant nous paraît le plus intéressant. En effet, la société que nous décrit Maupassant à travers ses œuvres nous montre trois principaux traits qui sont: l’argent, l’égoïsme et la corruption. La société que nous présente Maupassant est une société de domination : chaque personnage chez Maupassant veut être supérieur aux autres. Peu importe les moyens. Ces moyens et les procédés de la recherche de cette supériorité sont multiples. Nombreux sont les types qui cherchent cette supériorité par l’argent ; cette matière nécessaire pour la hiérarchie sociale. Les premières lignes de « Bel Ami » nous révèlent que chez Georges Duruy ( le désir de parvenir à avoir de l’argent régnait en Maître) et Duruy n’est pas l’unique personnage de Maupassant à avoir cette ambition : Le banquier Walter a la même ambition. La société chez Maupassant se divise en deux catégories ; les faibles, les naïfs et les bons d’un côté, les rusés, les insensibles et les sans scrupules de l’autre. Donc. Les bons et ceux qui ne reculent devant rien pour parvenir à leur fin ne serait-ce même au prix d’un crime tel maître Michot dans le Petite fût qui empoisonne lentement la vieille mère Magloire pour s’emparer de sa fortune et ses biens. D’autres, qui, s’ils ne vont pas jusqu meurtre où l’assassinat ne tardent pas à manifester leur contentement et leur joie à la mort d’une vieille tante fortunée tels les époux Bonnin personnages d’"Un Million " lors de l’enterrement de leur bienfaitrice: " (leur) conscience se drape de noire mais ( leur ) âme frémit d’allégresse " (1) (1)

Un Million,p.615

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Une clause de dernière minute plongera le couple dans un désarroi total : Le couple doit avoir un enfant moins d’un an après sa mort sous peine d’être déshérité. Or Benin est stérile. Mais Benin parviendra-t-il à résoudre ce problème ? Certes, puisqu’il s’agit d’argent. Les victimes de l’argent sont souvent ceux qui n’en ont pas. Maupassant nous les décrit d’une façon magnifique. Dans « En Famille » il les évoque en ces termes : "Leurs faces inquiètes et tristes disaient encore les soucis domestiques, les incessants besoins d’argent, les anciennes espérances définitivement déçues car tous appartiennent à cette armée de pauvres diables râpés qui végètent économiquement dans une chétive maison de plâtre avec une plate bande pour jardin, au milieu de cette compagne à dépotoir qui borde Paris. "(1) Victimes, du manque d’argent, ceux qui souffrent de la faim sont nombreux. Ces victimes sont aussi des victimes morales. On pense à ces personnages de « Filles perdues » dont le plus tragique exemple et celui de la fillette orpheline - héroïne de la nouvelle « le Port » ; cette fille qui se prostitue pour pouvoir survivre et qui se retrouve un beau jour, évidemment sans le savoir, dan les bras de son propre frère. Mais il ne faut pas croire que cette soif de posséder l’argent fait toujours le bonheur de celui qui court à la quête de l’acquérir. L’exemple le plus significatif qui nous est fourni est celui de Forestier, le personnage de « Bel Ami » qui après trois ans de Paris est devenu : " Quelqu’un d’autre, de gros et de sérieux , avec quelques cheveux blancs sur les tempes, bien qu’il n’ait pas vingt-sept ans"(2) (1) (2)

En Famille I, p. 193. Bel Ami, p.13

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Les filles fortunées, elles risquent d’être courtisées plus pour leur "espérance " que pour leur charme : Jeanne de Lamarre, dans "Une vie" Jeanne Cordier, dans " la dot " et surtout Charlotte Oriol ont passé cette expérience. Dans " Mont Oriol " Charlotte est censée obtenir une dot des terres que le baron Audermatt cherche à l’approprier. Cet homme rusé incite son beau-frère, le marquis Gaston de Ravenel, un viveur dépensier et ruiné, à courtiser la fille et à se marier avec elle afin de pouvoir régler ses dettes envers le baron et vivre richement. Or, la réalité devient autre chose : Les terres en question doivent aller à Louise, sœur aînée de Charlotte ; résultat le Marquis Gaston de Ravenel délaisse Charlotte , commence à courtiser la sœur et réussit à se marier avec elle. Ici Maupassant nous montre que l'argent est plus fort que toute autre chose dans la société de l'époque. Chose valable de nos jours partout dans le monde. L'argent nourrit également un sentiment d'égoïsme chez ceux qui le possèdent, s'ils peuvent en faire sur le dos des autres, ils n'hésiteront pas: tel est le cas de Watter, dans "Bel Ami" qui déclare: "C'est l'instant d'acheter des tableaux, les peintres crèvent de faim! Ils n'ont pas le sou, pas le sou"(1) Ces gens –là, Maupassant nous les décrit d'une manière remarquable: il les décrit comme des gens qui, las de vivre n'ont même pas la chance de mourir comme les autres: "Il me semblait que tous ces suppliciés, ces égarés, ces empoisonnés, ces perdus, ces noyés, s'en venaient, horde effroyable, comme des citoyens qui veulent dire à la société, "accordez-nous au moins une mort douce."(2)

(1) (2)

Bel Ami, P.151 Endorm II,p.1161

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Ici, il est utile de nous rappeler l'histoire de ce vieil homme pauvre qui n'avait pas d'argent et qui a été découvert par Simon au moment où on le retirait de l'eau et rappelons-nous du commentaire de Simon, " Il est bien heureux maintenant"(1) Cet égoïsme s'étend à tous les rapports humains. Forestier dans "Bel Ami" n'invite pas son ami Dura, parce que ce dernier possède un poste plus élevé que lui et quand il le reçoit, il le reçoit "comme un inférieur"(2) Et, si le héros de Maupassant séduit une femme, c'est soit pour son argent soit pour la puissance que celle-ci peut lui procurer. Toutefois Philippe Rémy, le forgerons, dans " le Papa de Simon " se marie avec la Blanchotte pour sauver Simon de la situation délicate dans laquelle il se trouvait ( sachons que Simon était né d'une liaison illégitime de la Blanchottte avec quelqu'un qui lui avait promis le mariage et qui n'avait pas tenu sa promesse.) Le héros de " Mes vingt- cinq jours" nous montre clairement ce fait " De tous les luxes, dit-il, la femme est la plus rare,et le plus distingué, elle est celui qui coûte le plus cher et qu'on nous envie le plus, elle donc celui que nous devons aimer le mieux à étaler sous les yeux jaloux de public" (3) L'amour chez Maupassant n'est pas une fin en soi mais une sorte de profit économique que l'on peut en tirer. Donc, le profit que l'on peut tirer de l'autre est le plus essentiel: Pensons à l'exemple qui nous est fourni par la mère Toine: Quand Toine est tombé malade paralysé dans son lit la mère Toine croyant que son mari est nourri sans rien faire, elle pense mettre des œufs sous ses bras, le transformant ainsi en couveuse pour tirer (1)

Papa de Simon, p. 20. Bel Ami,p.73 (3) Mes vingt-cinq jours II,p.525 (2)

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un profit des poussins qui naîtront dans le lit de son mari et qui deviendront les poules qu'elle engraissera et vendra plus tard. D'autre part, le héros de Maupassant ne recule devant rien pour arriver à sa fin ne serait-ce qu'au prix de la tête de son adversaire: ainsi: voyons-nous Maître Malendain qui a eu des affaires avec Maître Hochecorne au sujet d'un licou. La société, une société de corruption, selon Maupassant: il le fait dire par la bouche de l'avocat qui défend l'accusé: " Nous voyons trop ce fleuve de corruption qui va des chefs de pouvoir aux derniers des gueux, nous savons trop comment tout se passe, comment tout se donne, comment tout se vend, places, fonctions, honneurs brutalement en échange de titres et de part dans les entreprises industrielles, ou plus simplement contre un baiser de femme."(1) Pour cela, l'homme, selon Maupassant, doit faire attention, d'être toujours aux aguets, de ne pas tomber dans le piège, pour ne pas devenir victime des autres. Autrement dit qu'il ne faut pas être comme ceux qui : "Arrivant à l'âge de vivre à leur tour, sans soupçonner les dessous de l'existence, sans savoir qu'on ne pense pas comme on parle et qu'on ne parle point comme on agit, sans savoir qu'il faut vivre en guerre avec tout le monde, ou du moins en paix, sans deviner qu'on est sans cesse trompé quand on est naïf, joué quand on est sincère, maltraité quand on est bon" (2)

Rappelons–nous, encore une fois, l'histoire de Maître Hochecorne, dans " la Ficelle", Lorsqu'il est accusé par Maître Malendain d'avoir volé un portefeuille afin de le déconsidérer pour toujours. Que maître Hochcorne meure par la suite, à cause de ce déshonneur, cela n'émeut point Maître Malendain. (1) (2)

La Ficelle,II,p.1191 Le Pardon,I,p.583

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Maupassant nous présente également une société corrompue, une société où règne la loi de la jungle, la loi de chacun pour soi et que le plus fort l'emporte au détriment du faible: " Les hommes intelligents, dit-il dans " Bel –Ami" se feront une place, les autres succomberont, c'est la loi sociale"(1) Ainsi, la société selon Maupassant, comme nous l'avons vu à travers cette étude, se divise-t-elle en les bons et les mauvais, les forts et les faibles.

(1)

Bel Ami, p.36

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