Droit civil, Licence 2 Droit équipe 1 – Monsieur le Professeur Borghetti, novembre 2011. Copie distribuée par ASSAS.NET.
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Galop d’essai (nov. 2011) : Droit civil, Licence 2 équipe 1 – Monsieur le Professeur Borghetti Commentaire d’arrêt : Cass. civ. 3e, 3 avril 1996
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Arrêt : Commentez l'arrêt suivant : Cass. civ. 3e, 3 avril 1996 Sur le moyen unique : Vu l'article 1723 du Code civil ; Attendu que le bailleur ne peut, pendant la durée du bail, changer la forme de la chose louée ; Attendu, selon l'arrêt attaqué ( Bastia, du 28 février 1994 ), que Mme Giudicelli ayant pris à bail un local à usage commercial dépendant d'un centre commercial appartenant à la société civile immobilière Santa Devota (SCI), a assigné celle-ci en démolition de travaux d'extension du centre et remise en état des lieux loués ; Attendu que, pour décider que l'obligation de la SCI à l'égard de Mme Giudicelli, sur le fondement de l'article 1723 du Code civil, doit se résoudre en dommages-intérêts, l'arrêt retient que la demande de la locataire est justifiée en son principe, mais qu'une démolition des constructions aurait des conséquences hors de proportion avec les données et la dimension du litige, qu'elle conduirait à la destruction d'une dizaine de boutiques tenues par des commerçants étrangers à la procédure et apporterait un préjudice à d'autres locataires de boutiques pendant les travaux de remise en état ; Qu'en statuant ainsi la cour d'appel a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE mais seulement en ce qu'il a décidé que l'obligation de la SCI Santa Devota à l'égard de Mme Giudicelli devait se résoudre en dommages-intérêts et condamné la SCI à payer à Mme Giudicelli la somme de 400 000 francs à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 28 février 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.
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Note : 16/20 Dans un arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de Cassation le 3 avril 1996 (Bulletin civil III, n°91), la Cour a eu à se prononcer sur la portée de l’article 1723 du Code Civil relatif à une obligation du bailleur dans un contrat de louage : « Le bailleur ne peut, pendant la durée du bail, changer la forme de la chose louée ». En l’espèce, un local à usage commercial dépendant d’un centre commercial avait été mis à bail par un preneur. Par ailleurs, le bailleur – propriétaire du centre commercial – a procédé à des travaux d’extension du centre, ce qui a eu une incidence sur les locaux préexistants. Ledit preneur a alors assigné le bailleur en démolition des travaux effectués et remise en état des lieux loués. Par un arrêt du 28 février 1994, la cour d’appel de Bastia rejette la prétention du preneur et décide de lui allouer des dommages-intérêts. Le requérant forme un pourvoi en cassation contre cette décision. A l’appui de l’article 1723 du code civil, la cour d’appel décide que l’obligation pour le bailleur de ne pas « changer la forme de la chose louée » se résout en dommages-intérêts compte tenu des conséquences disproportionnées qu’engendrerait la démolition des travaux et la remise en état à l’égard de tiers. La cour de cassation a donc eu à statuer à propos de la question de savoir si la violation de l’obligation de ne pas changer la forme de la chose louée, pour le bailleur, devait bien se résoudre en dommages-intérêts. Finalement, la cour de cassation au visa de l’article 1723 du code civil, casse et annule la décision attaquée au motif que celle-ci aurait été prise en violation du texte susvisé. En statuant de la sorte, la cour de cassation a rendu une décision pour le moins « avant-gardiste » en suggérant la primauté de l’exécution en nature d’une obligation sur l’octroi de dommages-intérêts (I), néanmoins à bien des égards la solution peut sembler excessive (II). I) La primauté de l’exécution forcée en nature (affirmée par la Cour de Cassation) Selon l’article 1142 du Code civil : « Toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts, en cas d’inexécution de la part du débiteur ». Si la cour d’appel choisira d’appliquer ce texte à la lettre au regard des faits et circonstances de l’espèce (A), la cour de cassation, au contraire, regrettera une telle application littérale (B). A) Recherche d’un équilibre entre sanction du bailleur du fait de l’inexécution de l’obligation et intérêt commun, par la cour d’appel1 La cour d’appel, amenée dans un premier temps à qualifier l’obligation du bailleur de ne pas « changer la forme de la chose louée » en a conclu à une obligation de ne pas faire, appelant par conséquent l’application de l’article 1142 du code civil. Ce faisant, elle a décidé que les travaux d’extension du centre réalisés au mépris de l’obligation de ne pas faire du bailleur devaient « se résoudre en dommages-intérêts ». On notera que l’article 1142 ne sera nulle part cité dans l’arrêt : c’est « sur le fondement de l’article 1723 » que la cour d’appel, et même la cour de cassation rendront leur décision. Tout l’enjeu était alors de mettre en lumière les fondements non précisés du raisonnement des juges (du fond et du droit). La cour d’appel a donc appliqué à la lettre l’article 1142. Ainsi elle écarte la prétention de la requérante (preneur) tendant à la « démolition des travaux d’extension du centre et remise en état des lieux loués », prétention relevant de l’article 1143 du code civil permettant à un créancier de demander la destruction de « ce qui aurait été fait par contravention à l’engagement » aux dépens du débiteur. 1
Essayez de présenter cela du point de vue de la cour de cassation www.assas.net - 1e édition - Page 4
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Cependant, la cour d’appel « retient que la demande de la locataire est justifiée en son principe ». Cela signifie que la cour d’appel avait reconnu que la solution de principe avait été la destruction des travaux réalisés et qu’elle s’était soumise à la position de la cour de cassation (cf. supra). Pour autant, la cour d’appel ne retiendra pas cette solution au profit en quelque sorte de l’intérêt général : l’intérêt des « commerçants étrangers » qui verraient leurs boutiques se faire détruire et l’intérêt des autres preneurs, préjudiciés par des travaux de remise en état. Elle rendra une décision présentant le souci de faire primer l’intérêt collectif sur un intérêt particulier. B) Le rejet par la cour de cassation de l’interprétation littérale de l’article 1142
La cour de cassation casse et annule l’arrêt attaqué « en ce qu’il a décidé que l’obligation (…) devait se résoudre en dommages-intérêts ». Elle rejette donc catégoriquement l’application littérale de l’article 1142. Elle fait alors primer l’exécution en nature dès lors que l’exécution est possible (Civ. 3ème, 11 mai 2005, Bull. civ I, n°19), l’indemnisation étant alors réduite à l’exception. Cette décision de la cour sera reprise ultérieurement (Civ. 1 ère, 16 janvier 2007, Bull. Civ I, n°19). Il résulte de cette interprétation pragmatique de l’article 1142 que les articles suivants, 1143 et 1144, introduits dans le code par le terme « néanmoins » ne sont plus les exceptions à l’article 1142 mais plutôt des applications particulières de cet article (destruction pour l’obligation de ne pas faire, faculté de remplacement pour l’obligation de faire). Dès lors, telle sera en principe l’interprétation de l’article 1142, en faveur de l’exécution en nature. Ce principe présentera quelques limites2 : exécution impossible, exécution touchant aux droits intangibles de la personne, ou accord par le juge d’un délai de grâce. La principale cause d’adoption de ce point de vue est le fait que si toutes les obligations de faire ou de ne pas faire pouvaient se résoudre en dommages-intérêts (équivalent monétaire), ces obligations seraient toutes en réalité facultatives. Transition ? II) Les conséquences de l’intransigeance de la cour de cassation quant au principe d’exécution en nature de l’obligation Si a priori la solution semble satisfaisante pour le preneur (A), cette solution parait disproportionnée en l’espèce (B). A) Une solution acceptable et satisfaisante du point de vue du preneur En vertu de l’article 1723 et à l’appui de l’article 1134 du code civil, le contrat de bail prévoyait bien l’obligation pour le bailleur de ne pas changer la forme de la chose louée. Le locataire avait alors effectivement le droit de jouir du local loué, objet du contrat, sans avoir à souffrir d’une quelconque modification des bâtiments. Cela se trouve confirmé par l’article 1243 imposant l’identité d’objet du paiement et de l’obligation. De plus, si le principe posé à l’article 1142 est le droit à l’exécution forcée en nature pour le créancier, il est soutenu par l’argument de l’article 1184 alinéa 2 du code civil posant que « la partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté, a le choix ou de forcer l’exécution de la convention (…) ». Enfin, comme il a été précisé précédemment (cf. I-A), la cour d’appel reconnaissant que « la demande de la locataire est justifiée en son principe », elle aurait donc eu le droit de demander démolition et remise en état de 2
Vous auriez du en parler dans le II) B) www.assas.net - 1e édition - Page 5
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manière tout à fait justifiée, si n’intervenaient pas en l’espèce des considérations plus humaines que matérielles, au profit de l’ensemble des preneurs et commerçants exploitant leur activité dans le centre commercial. B) Une solution manifestement disproportionnée En se montrant impitoyable relativement au principe d’exécution en nature primant sur l’indemnisation, la cour de cassation a pu rendre une décision injuste et profitable surtout au créancier (preneur), alors même que par tradition, le droit français tend à protéger les intérêts du débiteur. L’arrêt de la cour d’appel met bien en exergue les conséquences désastreuses que provoquent la démolition des travaux et la remise en état (prétention du preneur) : « conséquences hors de proportion avec les données et la dimension du litige […], destruction d’une dizaine de boutiques (…), préjudice à d’autres locataires de boutiques pendant les travaux de remise en état ». Bien que la remise en état ait déjà été prononcée par le juge en application de l’article 1723 (Civ. 1ère, 14 octobre 1964), en l’espèce, trop de tiers seraient défavorisés et préjudiciés par une telle mesure. Enfin, même si les articles 1142 et 1143 ne supposent pas du créancier qu’il apporte la preuve d’un préjudice consécutif à l’inexécution, il n’y avait pas tellement en l’espèce de préjudice causé au preneur3, d’autant plus que la cour d’appel avait concédé l’octroi de 400 000 francs de dommages intérêts au preneur, ce qui rendait la solution de la cour d’appel plutôt adaptée au litige en présence. En 1965, la cour de cassation avait accepté d’écarter l’exécution en nature pour octroyer des dommagesintérêts, pourquoi n’avoir pas repris cette solution ?
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Qu’en savez-vous ?
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