Matthieu 4,1-11 Les Tentations de Jésus. Rejet du messianisme temporel
Tantôt c’est « Dieu tente l’homme“ , qui met l’homme à l’épreuve pour l’inviter à dépasser son horizon trop court, à devenir vraiment un fils qui accueille les dons de Dieu.
4,1 “Alors Jésus fut conduit par l'Esprit, au désert, pour être tenté par le diable.“
Il nous été rappelé, au cours de son baptême que Jésus a reçu de Dieu, son Père, l’Esprit en plénitude C’est cet Esprit qui le
4, 2 “ Après avoir jeûné 40 jours et 40 nuits, il finit par avoir faim.“
Mt fait ici écho au livre de l’ Exode où il est écrit: “Moïse demeura en ce lieu, avec le Seigneur, quarante jours et quarante nuits, sans manger et sans boire. Et il écrivit sur les tables les paroles de l’alliance les Dix paroles.“ (Ex.34,28. Cf. aussi Dt.9,9).
pousse au désert pour y commencer sa mission et c’est l’Esprit de
Les quarante jours de la tentation de Jésus sont donc une
Dieu qui va lui permettre de triompher des forces du mal. De fait, sa
allusion directe aux quarante jours de Moïse sur la montagne avant
mission sera un immense combat entre la vérité et le mensonge, la
de recevoir la “Loi” et aux quarante ans de la marche dans le désert
lumière et les ténèbres.
où le peuple de Dieu a vécu épreuves et tentations.
Rappelons que dans la tradition prophétique, le “désert” est justement à la fois le lieu de l’épreuve, du combat contre les forces mauvaises, et le lieu privilégié de l’expérience de la présence de Dieu.
C’est bien- sûr pour Mt une manière de montrer à ses lecteurs que Jésus est le nouveau Moïse, celui qui va rassembler le
Jésus est “conduit” vers le désert, comme, jadis, Dieu a
véritable Peuple de Dieu et c’est aussi une manière d’identifier
conduit, son peuple au désert pour lui faire prendre conscience de
l’identifier Jésus à son Peuple. Jésus est venu pour assumer toute
sa fragilité et de sa véritable identité. C’est quand nous traversons un
l’histoire du peuple de Dieu pour « l’accomplir ».
désert que nous prenons souvent conscience de quoi nous avons vraiment faim ou soif . Le désert dans la Bible a été pour le peuple de Dieu un itinéraire pédagogique. . Mt. souligne bien que Jésus est conduit au désert pour y être tenté. Ce verbe “tenter” a deux significations (cf. Dt.6,6 ; Ps. 78,18 ; Ex.17,2-7 ; Nb.14,22). - Tantôt
c’est “l’homme qui tente Dieu“ qui provoque Dieu, en
On peut lire dans le livre de l’Exode “Tu diras alors à pharaon: « Ainsi parle le Seigneur: Mon fils premier-né, c’est Israël. Je t’avais donné cet ordre: Laisse aller mon fils qu’il me rende un culte.” (Ex.4,22-23)
Pour Mt, Jésus est le véritable “Fils, le Premier -Né” de Dieu. Il inaugure le nouveau peuple de Dieu. Il va assumer les tentations de son peuple au cours de l’ Exode.. Et il va triompher là où son peuple avait succombé. Ce n’est donc pas un hasard si Jésus va
essayant de réduire son Dessein d’amour de Dieu à nos petits désirs terrestres
répondre à chacune des tentations par une citation du livre du
immédiats.
Deutéronome. Le Deutéronome, écrit quelques siècles plus tard était
déjà une relecture théologique des événements de l’ Exode par les auteurs bibliques inspirés.
C'est alors que surgit la tentation de l’avoir, de capitaliser le désir d’un bien-être excessif, d'accaparer biens et richesses, de se
Si les "tentations du Christ" récapitulent et symbolisent celles
contenter de satisfaire nos appétits terrestres, nos sécurités
de son Peuple, il faut bien voir que ces “tentations“ sont aussi celles
immédiates. Tentation qui finit par ôter toute confiance en Dieu et
de tout homme, celles de toute civilisation humaine. Il va réussir ce
toute disponibilité à ses dons. Tentation qui finit par étouffer les
que nous avons toujours échoué depuis les origines de l’homme.
richesses du cœur: le sens de la gratuité et du partage dans les
Jésus, en tant qu'homme, a dû assumer et dépasser ces trois pièges
relations humaines.
ou tentations qui apparaissent avec nos trois besoins fondamentaux.
Jésus écarte cette tentation de l’homme qui a tendance à
Besoins légitimes qui sont inscrits dans la nature même de l'homme:
réduire le Dessein de Dieu à ses seuls besoins immédiats. C’était
celui de l'avoir, du paraître et du pouvoir.
encore la tentation des contemporains de Jésus qui espérait un
4, 3-4 - La première tentation.
Messie temporel qui viendrait leur apporter prospérité matériel, ferait
“Le Tentateur s’approcha et lui dit: « Si tu es Fils de Dieu (écho
d’eux un peuple fort qui chasserait les Romains qui occupaient le
discret du baptême) ordonne que ces pierres deviennent des pains. » Mais
pays. Mais Dieu voit plus grand pour l’homme. Il veut que l’homme
Jésusl répondit : « Il est écrit: Ce n'est pas seulement de pain que l'homme vivra, mais de toute parole sortant de la bouche de Dieu »
Au cours de l’ Exode, le Peuple de Dieu avait plus d’une fois murmuré contre Moïse et avait réclamé de quoi rassasier sa faim. C’est ainsi qu’à la demande de Moïse, Dieu leur donna la manne. (Ex.16,2ss). "Si tu es Fils de Dieu, ordonne à ces pierres de se changer en pain ! "
Jésus, en tant qu’homme, a lui aussi expérimenté et assumé ce premier besoin humain: le besoin de pain pour vivre. Et cette
devienne un fils adoptif qui partagera sa vie pour toujours dans son Royaume de vie éternelle. Et Jésus est venu pour révéler cela. Jésus repousse donc cette tentation en citant un passage du livre du Deutéronome (LXX) où les auteurs inspirés avaient relu l’événement du don de la manne au désert (’Ex.16, 2ss) comme étant l’annonce d’un don de Dieu, d’une nourriture de Dieu bien plus importante, le don de sa Parole qui est source de vie éternelle. . “L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de la Parole de Vie qui vient de Dieu” ( Dt.8 , 3).
première faim, élémentaire, vitale devient très vite un besoin, légitime, de posséder, de s'assurer des sécurités pour l'avenir.
Nous sommes toujours tentés de ne rechercher que nos petites sécurités immédiates, de vouloir satisfaire nos désirs en
accumulant des biens multiples, en recherchant un simple bonheur
pour cela le Malin s’appuie sur un texte des Écritures (le
terrestre à consommer tout de suite. Et nos sociétés occidentales
Psaume.91,11-12.
actuelles, dites de consommation, nous y invitent plus que jamais.
Dans ce psaume, le psalmiste, d’une manière imagée et
Elles nous font croire, à grand renfort de publicité, que nous serons
poétique, chante l’assurance de l’homme qui est sûr que Dieu ne
plus hommes et plus heureux si nous consommons toujours plus.
l’abandonnera jamais face aux dangers (LXX).
Nous sommes alors tentés de confondre l’avoir et l’être, de camoufler notre vide intérieur, la soif de notre âme par un toujours plus de biens extérieurs. Nous nous crispons sur nos richesses terrestres. Jésus démasque cette tragique illusion. Il rétablit la vraie
« Le malheur ne peut fondre sur toi Ni la plaie approcher de ta tente : Il a pour toi donner ordre à ses anges De te garder en toutes tes voies. Su leur main ils te porteront Pour que ton pied ne heurte pas la pierre »
hiérarchie des valeurs. Il sait, lui, le Pain de la Parole incarnée, le
Par cette tentation, Mt fait allusion à un autre événement de
Pain de Vie, que rien ne pourra jamais combler pleinement les désirs
l’Exode (Ex.17,1-7.) au cours duquel les Hébreux avaient encore
de notre cœur, si ce n’est la transcendante plénitude de Dieu, sa Vie
murmuré contre Moïse, car ils avaient soif et manquaient d’eau dans
et son Amour.
ce désert: “Pourquoi nous as-tu fait sortir d’Égypte ?" Ils manifestaient,
Dieu est premier, car lui seul est capable de rassasier la
une fois encore, leur manque de confiance en Dieu et le mettaient en
Faim profonde de l’homme. Et toutes nos autres faims, légitimes, ne
quelque sorte à l’épreuve, le provoquaient afin qu’il accomplisse un
sont que les signes de cette Faim fondamentale de Dieu, de sa
“miracle”.
Parole qui est Vie éternelle. 4, 5-7 Deuxième tentation. “Alors le diable l’emmène dans la Ville Sainte, le place sur le pinacle
Ici, le Malin suggère aussi à Jésus de provoquer Dieu, de tester si on peut vraiment lui faire confiance : "Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi du haut du temple" et les gens ébahis croiront en toi ! "
du Temple et lui dit: « Si tu es Fils de Dieu, jette-toi en bas; car il est écrit: Il donnera pour toi des ordres à ses anges, et sur leurs mains ils te porteront, de peur que tu ne heurtes du pied quelque pierre. »
En suite, chez Matthieu, le diable transporte Jésus au sommet du Temple et l’invite en quelque sorte à “provoquer“ Dieu. Et
Cette seconde tentation se greffe sur une autre besoin légitime, inné, de l’homme, celui d’être reconnu. Mais ce besoin d’être reconnu se transforme vite en besoin de paraître, de briller. C’est la tentation du prestige, du tape -à- l’œil.
Jésus aurait très bien pu user de son pouvoir, de ses dons,
ambitions humaines (fussent-elles religieuses !). On n’utilise pas
simplement pour réussir sa mission en séduisant les hommes par
Dieu ! Une fois de plus Jésus refuse un messianisme fondé sur le
son prestige de gourou tout-puissant. Et qui sait, si certains jours
merveilleux, les prodiges (Cf. Mt.16,1) et répond à cette seconde
où l'échec devenait trop lourd, cette tentation d’utiliser ses pouvoirs,
tentation en citant encore le commentaire inspiré du livre du
de faire des miracles spectaculaires pour séduire ou contraindre
Deutéronome (LXX) à propos d’ Exode 17:
l’homme ne l'a jamais effleuré ? Ses propres disciples l’inviteront d’ailleurs à faire tomber la foudre du ciel sur l’incrédulité des gens de Samarie (Cf. Lc.9,51-56).
“Tu ne tenteras pas - ne mettras pas à l’épreuve - le Seigneur, ton Dieu.“ (Dt.6, 16.)
Sans doute, le Christ n’a pas recherché l’échec pour lui-
A chaque fois le Christ opposera à cette tentation le respect
même. Et il ne nous demande pas d’échouer. Notre mission est de
de la liberté l’homme et la patience de Dieu. Ici, le diable est même
réussir. Mais de quelle réussite s’agit-il ? Là est le piège ! Le Christ
capable d’argumenter avec subtilité comme un rabbin. Il est capable
refuse, pour lui-même et pour ses disciples, la réussite qui
de citer les Écritures et de se cacher derrière la Parole de Dieu elle-
s’imposerait par le prodige ou la contrainte. La réussite de sa mission ne sera pas le résultat d'un signe
même ! Combien de fois les hommes n’ont-ils pas utilisé les Écritures pour des actions diaboliques (apartheid en Afrique,
spectaculaire ou d’un bon matraquage publicitaire exploitant le goût du merveilleux ou le besoin religieux des gens.
guerres, antisémitisme...). Le Christ déjoue cette tentation de "se
Cette tentation est permanente. Ne rêvons-nous pas parfois
servir" de la Parole de Dieu ou de réduire la religion au merveilleux, à
d’une Eglise puissante, d’une mission triomphante et conquérante ?
un spectacle médiatique. Ce comportement est comme un défi lancé
Après l’empereur Constantin, l’ Eglise a rêvé d’un “empire chrétien“.
contre Dieu ! Il faut s’en remettre avec confiance à Dieu. L’homme ne peut
Rêve bien ambigu. En fait, la “fameuse chrétienté“ est bien vite retombée dans les pièges de Satan (avoir, prestige et pouvoir).
exiger de lui des signes spectaculaires, comme les jadis les Hébreux
Devant la Croix du Christ au Calvaire, devant nos échecs,
mirent Dieu au défi ou comme les Pharisiens qui demanderont des
nos croix quotidiennes, n’avons-nous pas aussi envie, parfois, de
« signes » (Mt.12,38).
crier ce défi à Dieu “Sauve-toi toi-même, si tu es le Fils de Dieu et
Jésus rappelle que l’homme ne saurait annexer Dieu, le mettre à son service, au service de ses petits projets ou de ses
descends de la croix “ ?
Jésus a déjoué cette tentation de la réussite facile,
puissance. Et combien de fois le Christ lui-même ne devra-t-il pas
spectaculaire. Sa victoire ne peut-être que celle de l’amour qui se
résister à cette tentation de contraindre par le pouvoir l’homme hostile
donne jusqu’au bout. Ce n’est pas la royauté universelle du Messie
ou indifférent, en particulier quand on viendra le chercher pour le
(Cf. Mt.28,18) que Jésus rejette mais la manière de l’instaurer.
faire “roi“ (Cf.Jn.6,14-15) ou quand on attendra de lui un engagement
4, 8-10 -Troisième tentation
dans un combat idéologique (Judas ne fut-il pas un zélote déçu ?) ?
“Le diable l’emmène encore sur une très haute montagne; il lui
Cette troisième tentation illustre un “choix” que Jésus a dû
montre tous les royaumes du monde avec leur gloire et lui dit: « Tout cela, je te
faire tout au long de sa mission messianique. Il a refusé ce rêve de
le donnerai, si tu te prosternes et m’adores. » "
Le Malin, qui a fait monter Jésus “sur une très haute montagne” offre à Jésus non seulement le pays de Canaan, mais “tous les royaumes du monde et leur gloire“.Ici, apparaît cette autre faim de l’homme, finalement assez proche de la précédente: celle de
domination terrestre et il répond en citant encore le livre du Deutéronome (LXX). " Alors Jésus lui dit: "Retire-toi, Satan ! Car il est écrit: Tu n'adoreras que le Seigneur, ton Dieu et c’est à Lui seul que tu rendras un culte.»( Dt.6, 13; cf. aussi Dt.8, 11-14)
dominer l'univers créé, de surpasser son voisin. Ambition légitime qui peut être source de progrès, de stimulation positive. Le piège est que ce besoin dégénère le plus souvent en
Ce texte mettait en garde les Hébreux contre le danger de
pouvoir abusif qui écrase les autres. Faim de pouvoir, appétit de
l’idolâtrie quand ils seront entrés en possession du pays que Dieu
puissance qui sait, parfois, se cacher sous des dehors les plus
leur a donné (Il y a peut-être aussi une allusion à l’épisode du Veau
nobles et même les plus spirituels.
d’or d’Ex.32 ; cf. Dt.9,7-21).
Satan lui offre cette puissance sur la terre s’il se prosterne
Seul le Dieu de l’ Alliance mérite l’adoration de l’homme. S’il
devant lui. Le Malin ici se trahit et dévoile son jeu ! Car tout pouvoir,
ne veut pas être aliéné, l’homme ne peut s'agenouiller que devant un
toute autorité (même religieuse) qui n’est pas exercé comme un
Dieu qui se révèle une puissance d'amour. Le seul pouvoir possible
service est bien une forme d’idolâtrie diabolique, puisque l’homme se
dans le christianisme est celui de Jésus crucifié qui a lavé les pieds
fait alors le centre absolu.
de ses frères.
Beaucoup de juifs contemporains attendaient un Messie -
Ainsi Jésus, dans ce récit qui précède son ministère public,
juge, un libérateur politique et guerrier, venant avec prestige et
assume déjà toutes les tentations diaboliques qui emprisonnent les
hommes, celles de l’avoir, du paraître et du pouvoir, et qu’il devra
diable, le Mal qui aliène l’homme et le détourne de sa vocation de fils
lui-même vaincre tout au long de sa vie.
du Père.
Il repousse ces tentations en notre nom parce qu’elles sont
Même si le diable continue de proposer ses trois tentations
incompatibles avec notre être et notre vocation de fils de Dieu. Ces
aux hommes et aux peuples de tous les temps, celles-ci ne sont plus
tentations peuvent nous détruire en tant qu'homme et en tant que fils
une fatalité. La Pâque du Christ nous a libérés de la fatalité de cette
de Dieu. En regardant Jésus nous le découvrons non point riche
triple et suicidaire tentation. Le Christ est mort sur la Croix pour
mais pauvre, non point prestigieux mais humble, non point puissant
détruire ce triple esclavage.
mais serviteur.
Chez Mt. ce récit vise donc une double catéchèse:
Jésus, le Fils exemplaire du Père, nous révélera par toute
- christologique: il dévoile la mission de Jésus, l’Homme
sa vie qui est Dieu et qui nous sommes appelés à devenir.. Jésus est
véritable, le nouvel Adam d’une humanité libérée de ses pièges ou
“l’image du Dieu invisible ! “ (Col. 1,15) qui n’est que don. Qui dit
tentations qui défigurent son identité et son destin ultime
amour, dit pauvreté, humilité et service En contemplant le Christ,
et ecclésiologique, en ce sens qu’il est aussi l’ Israël
nous découvrons que, finalement, la tentation nous conduit vers des
véritable (Ex.4,22). Relié au baptême, ce récit éclaire la signification
impasses. Le diable nous trompe sur l’objet réel de notre désir, de
du baptême et de l’existence chrétienne.
notre faim.
Sa victoire pascale éclairera et orientera tout le combat de l’
C’est pour être fidèle à son être de Fils et à sa mission que
Eglise, de chaque disciple. A quel Dieu croyons-nous ? “Suivre” le
Jésus sera finalement “rejeté” par ses compatriotes déçus, et mis à
Christ c’est convertir sans cesse - comme Pierre et les autres
mort. La tentation au désert annonce déjà le combat de Gethsémani
disciples - notre échelle des valeurs, les idoles de l’avoir, du paraître
(la croix). Sa victoire au désert annonce aussi celle du ressuscité.
et du pouvoir, de la “réussite” selon nos critères humains.
Mt. éclaire déjà le scandale de ce Messie pauvre, humble et
Désormais, tout homme, tout chrétien baptisé, doit vivre,
serviteur, révélation imprévisible de Dieu, qui a tellement dérouté,
chacun selon vocation, cette triple libération de l’avoir, du prestige et
choqué ses frères judéo-chrétiens. Quel mystère !
du pouvoir. Il nous faut nous aussi “crucifier“ le vieil homme, car la
Jésus, en notre nom, à dit non au contre-projet de Satan. Car c’est à l’heure de ce combat ultime qu’il vaincra définitivement le
croix victorieuse nous ouvre à la vraie liberté des fils de Dieu. Dès son origine, le monachisme a compris sa spiritualité comme la continuation du combat de Jésus au “désert“ contre les
trois grandes tentations permanentes de l’homme. Et la vie
Peuple de Dieu, le séjour au désert avec ses tentations a suivi le
religieuse, avec ses trois vœux traditionnels, s’est également
“passage de la Mer Rouge” symbolisé ici par la baptême de Jésus.
toujours située dans cette optique de la nouvelle liberté des fils de
De plus, ainsi située, cette scène nous indique déjà dans quel esprit
Dieu.
Jésus va accomplir sa mission. 4, 11 “Alors le diable le laisse. Et voici que des anges s’approchèrent
et ils le servaient”. ”
difficile de cerner (mais dont Jésus a pu faire confidence à ses
Jésus reçoit de Dieu la vraie nourriture qu’il a refusée de se donner lui-même comme lui suggérait le Malin (Cf. 6,11). Notons que la victoire de Jésus est liée à un combat où le jeûne a une signification permanente: le jeûne n’est pas un exercice d’ascétisme, mais un moyen de maintenir notre cœur et notre esprit disponibles, éveillés pour rencontrer Dieu
pour en expliciter la signification spirituelle, profonde et permanente: la victoire de Jésus sur les puissances du mal et par lui, la victoire de l’homme. une “réalité spirituelle“: il s’agit du salut de l’homme réalisé par l’
Conclusion Il est clair que ce récit n’est une description journalistique. n’était
apôtres), la tradition primitive a greffé un développement théologique
Ces développements sont “vrais” en ce sens qu’ils expriment
et accueillir ses dons.
Personne
A partir de ce “fait” historique de la vie de Jésus qu’il est
présent
à
cet
événement.
Il
n’est
invraisemblable, sur le plan historique, que Jésus ait voulu
pas se
retirer au désert avant de commencer sa mission (Paul fera de même en Gal.1,17). D’ailleurs le récit ne parle pas “d’apparition”. Il ne dit même pas que Jésus a “vu” le diable qui s’adresse simplement à lui. Ce dialogue a pu être tout “intérieur.” A quel moment Jésus a-t-il dû affronter ces tentations ? Fort probablement tout au long de son ministère et plus particulièrement vers la fin quand la plupart des hommes déçus s’éloignent de lui. Pour des raisons d’ordre chronologique et théologique, nos évangélistes l’ont situé au début de son ministère public. Car, pour le
Esprit et le Christ.