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H. BISMUTH — Littérature française XX siècle
MASTER LETTRES MODERNES
Roman-Poème-Autobiographie : Aragon, Le Roman inachevé
Université de Bourgogne, UFR Lettres & Philosophie, 2011-12
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TABLE
Présentation du module .....................................................................................3 Bibliographie et webographie commentées ......................................................4 L’explication de texte littéraire au programme .................................................7 Quatrième de couverture de l’édition originale du..........................................11 Aragon, « Du poète à son parti » (septembre 1943)........................................12 Vers et prose selon Aragon .............................................................................12 Guillaume Apollinaire, « La Chanson du Mal-Aimé » ...................................14 Guillaume Apollinaire, « Nuit rhénane » ........................................................14 Alfred de Musset, « La Nuit de décembre » ...................................................15 Aragon, « Le cri du butor » (extraits)..............................................................16 Alfred de Musset, « Lucie » (1835) ................................................................18 Aragon, « Vingt ans après » ............................................................................19 Aragon, « La nuit de mai » ..............................................................................20 « Les larmes se ressemblent » .........................................................................21 Lettre de Michel Manouchian .........................................................................22 Aragon, « Quatorzième arrondissement » .......................................................23 Aragon, « Secousse » ......................................................................................24 Aragon, « Persiennes » ....................................................................................24 Aragon, « Suicide » .........................................................................................25 Aragon, « Une fois pour toutes » ....................................................................25 Aragon, L’Armoire à glace un beau soir (1923), incipit ................................26 Aragon, Une vague de rêves (1924), extraits ..................................................26 Aragon, « Front rouge » (1931), extraits .........................................................27 Aragon, « Complainte de Robert le Diable » ..................................................28 Joachim du Bellay, Les Regrets (1558)...........................................................29 Charles d’Orléans (1394-1465), Ballade VIII .................................................30 1
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Présentation du module Cours : Cours hebdomadaire de douze séances de deux heures : - le mardi, 14-16 heures, jusqu’au 18 octobre ; - le lundi, 16-18 heures, jusqu’au 5 décembre. Début des cours : mardi 13 septembre. Public concerné : Master 2 Lettres (Recherche et Enseignement). NB : les étudiants inscrits en parcours Enseignement ne sont concernés que par la première partie de ce cours (jusqu’au 18 octobre). Contrôle final : ☞ Pour les étudiants de Master Enseignement : une explication de texte orale en fin de semestre. ☞ Pour les étudiants de Master Recherche : un oral en cours de séminaire ou une explication de texte orale en fin de semestre.
Enseignant : Hervé Bismuth.
[email protected] http://herve-bismuth.net/ 06 64 65 03 57 (18-20h, jours ouvrables uniquement). Accueil des étudiants : sur rendez-vous.
Contenu : Étude d’une œuvre et d’un auteur dans son siècle. Étude de trois genres littéraires et de leur perméabilité (ou : étanchéité). Corpus : principalement, Aragon, Le Roman inachevé (Poésie/Gallimard). Quelques incursions dans Chêne et chien de Raymond Queneau (texte distribué).
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Bibliographie1 et webographie2 commentées Sur les genres littéraires * Cours public d’Antoine Compagnon, Théorie de la littérature : la notion de genre, sur le site littéraire de FABULA : http://www.fabula.org/compagnon/genre.php. Généralités en direction d’un public étudiant. * GENETTE Gérard, Fiction et diction, « Poétique », Seuil, 1990. * SCHAEFFER Jean-Marie, Qu'est-ce qu'un genre littéraire ?, « Poétique », Seuil, 1989. HAMBURGER Käte, Logique des genres littéraires, « Poétique », Seuil, 1986.
Sur l’autobiographie * LECARME Jacques et LECARME-TABONE Éliane, L'Autobiographie, Armand Colin, 1997. Pédagogique et complet. * LEJEUNE Philippe, Le Pacte autobiographique, Seuil, collection « Poétique », 1975 (Nouvelle édition, « Points », 1996). Premier ouvrage à énoncer une poétique de l’autobiographie. Outils de base est à connaître. * GASPARINI Philippe, Autofiction, Seuil, collection « Poétique », 2008. Le point historique et théorique sur l’autofiction, jusqu’au début des années 2000 (corpus français).
Sur Aragon Biographie DAIX Pierre, Aragon, Tallandier, 2005. Biographie la plus récente, donc la mieux documentée, deux fois remise à jour, écrite par un essayiste qui a travaillé longtemps aux côtés d'Aragon. On trouve encore (notamment dans les bibliothèques) la version précédente de cette bibliographie : Aragon, Édition mise à jour, Flammarion, 1994. PIEGAY-GROS Nathalie, L'Esthétique d'Aragon, collection « Esthétique », SEDES, 1997. Ouvrage destiné aux étudiants, traitant largement des questions d’esthétique incontournables chez Aragon, avec une importante anthologie. Attention : ces questions concernent toute l’œuvre d’Aragon. BARBARANT Olivier, Aragon, la mémoire et l'excès, « Champ poétique », Champ Vallon, 1997. Le meilleur essai, à mon sens, sur la globalité du parcours poétique d'Aragon. L’essai suit la chronologie de la production poétique 1
L’astérisque : * indique les ouvrages que je recommande chaudement de parcourir. Lire en tout cas l’introduction. 2 Néologisme que je persiste à utiliser en attendant un terme officiel.
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d’Aragon, ce qui permet de situer assez facilement la période et l’œuvre sur lesquelles nous travaillons.
Sur Le Roman inachevé Ouvrages : NARJOUX Cécile et BOUGNOUX Daniel commentent Le Roman inachevé d’Aragon, « Foliothèque », Folio, 2007. Cet ouvrage récent est le seul ouvrage portant sur Le Roman inachevé et destiné à un public lycéen et universitaire. Aragon 1956, Actes du colloque d'Aix-en-Provence (septembre 1991), ouvrage coordonné par Suzanne Ravis, Publications de l'Université de Provence, 1992. Le seul ouvrage rassemblant plusieurs études sur Le Roman inachevé et la période de l'écriture et de la publication du poème. Articles : RAVIS Suzanne et VICTOR Lucien, « Sur les trois “proses” du Roman inachevé », in Aragon poète, Europe, n° 745, Mai 1991. Il existe également des notes très utiles, rédigées par Olivier Barbarant, dans l’apparat critique des Œuvres poétiques complètes d’Aragon publiées dans la Pléiade en 1997. On les trouvera aux pages 1429 à 1466 du second tome. Sites Internet : Le site de l'Équipe de Recherches Interdisciplinaire sur Elsa Triolet et Aragon (ERITA) : www.louisaragon-elsatriolet.com Quelques articles en ligne, et une mise à jour constante des récentes parutions concernant Aragon. Le site de l’universitaire allemand Wolfgang Babilas : http://www.uni-muenster.de/Romanistik/Aragon/htm Nombreuses références bibliographiques. Discographie Il est peu habituel d’établir une discographie dans le cadre d’études universitaires littéraires, mais Aragon a particulièrement été mis en chansons, au point que l’on croit souvent (à tort !) qu’Aragon était un spécialiste de la poésie à refrain, voire qu’il n’aurait écrit que des poèmes à formes fixes. Les refrains sont l’affaire des adaptateurs et la totalité de l’œuvre poétique d’Aragon contient proportionnellement moins de formes fixes que celle de Paul Éluard, par exemple. 5
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Je mentionne une discographie pour cette raison : le disque Léo Ferré chante Aragon (1961, rééd. Barclay 1989), outre d’être le premier disque de chanson française entièrement consacré à Aragon, propose dix chansons (parmi les plus reprises, tant du répertoire de Léo Ferré que de celui des adaptations de poèmes d’Aragon), dont neuf des textes sont extraits du Roman inachevé (à l’exception du texte de la chanson intitulée Blues). La mise en musique de ces poèmes est d’autre part une des rares (à la différence de celles de Leonardi, Ferrat, Martin…) à n’être pas trop démodée. À écouter, ne serait-ce que pour apprécier les différences de registre et d’univers entre les poèmes choisis, différences que la musique de Léo Ferré s’est appliquée à faire ressortir.
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Autour du Roman inachevé : L’explication de texte littéraire au programme Quelques rappels, quelques conseils De l’ « explication » ou du « commentaire », vous en avez déjà fait, et de bien des façons depuis le lycée… Nous ne jouerons pas sur les mots : « explication » ou « commentaire », vous savez depuis longtemps qu’on ne vous demande jamais d’expliquer le sens d’un texte, et qu’on n’attend jamais de vous que vous vous livriez à des jugements esthétiques à partir d’un texte littéraire : l’exercice est donc différent de celui que ferait un enseignant à des classes de sixième, différent également de celui du discours d’un critique dans une revue, littéraire ou non. C’est pourquoi un tel exercice exclut d’emblée la paraphrase — c’est-à-dire la redite, même partielle, de ce que le texte énonce déjà — et l’expression de votre goût personnel, a fortiori si c’est pour produire un jugement obséquieux (« Le génie d’Aragon ! », etc.) ou dénigrant (« cet extrait, mal écrit… »). Dans tout « commentaire » ou « explication » universitaire, le discours critique auquel on doit se livrer est un discours métatextuel, qui parle du texte, non pas pour décrire ce qu’il dit, mais pour décrire la manière dont il est écrit, et les implications de cette manière dans les images, le rythme, les émotions imposées ou suggérées au lecteur. Il y a des millions de façons de dire « Je t’aime », et ce qui doit retenir notre attention dans une déclaration d’amour n’est pas le fait qu’elle veuille dire « Je t’aime » (n’importe qui le voit au premier coup d’œil), mais bien la façon dont elle le dit, qui fait d’elle une déclaration unique : reconnaissons que c’est bien plus intéressant d’étudier un texte dans cette perspective ! Il s’agit donc de produire un discours de type explicatif cohérent et structuré d’une vingtaine (minimum) ou une trentaine (maximum) de minutes environ, portant sur un passage relativement autonome de 20 à 40 lignes ou vers, qui rende compte de la totalité de l’extrait sur lequel il porte : une juxtaposition de remarques ne saurait en aucun cas passer pour un « commentaire » ou une « explication », pas plus, bien évidemment, qu’une redite de ce que le texte dit fort bien par lui-même. « Commentaire » ? « Explication » ? La tradition universitaire consacre le premier terme au commentaire composé, qui n’est pas le commentaire méthodique que certains parmi vous avez connu du temps de votre jeunesse lycéenne. Le terme d’« explication de texte » s’applique en fait uniquement au commentaire linéaire : une « explication de texte » s’effectue en suivant le texte ligne à ligne. On ne se battra pas (en tout cas pas moi) sur les avantages et les défauts respectifs des commentaires linéaires ou composés : un protocole n’est après tout qu’un protocole, et les deux méthodes sont aussi valables l’une que l’autre pour produire des discours critiques pertinents, l’explication de texte portant simplement sur des énoncés plus courts que ceux auxquels s’attaque habituellement le commentaire composé. Le présupposé de l’explication de texte, la démarche linéaire, a pour logique essentielle de se replacer dans les pas du lecteur, et de montrer — ce que le commentaire composé n’est pas tenu de faire — de quelle façon les images du texte se construisent, de quelle façon le lecteur est appelé à voir ces images se dresser les 7
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unes après ou contre les autres, se succéder ou se contredire, de la même façon qu’un mouvement de caméra impose non seulement la succession des images, mais également leur rythme, leur surprise… Mais encore une fois, je rappelle que l’explication linéaire est un discours cohérent, et que si le lecteur découvre le texte ligne après ligne, il n’en est pas de même pour le commentateur ! Une explication de texte nécessite des objectifs et des étapes précis, comme n’importe quel autre type de discours critique. Si le protocole de cette explication est en principe plus ou moins connu, plus ou moins suivi, la démarche qui sous-tend ce protocole l’est moins, en revanche, mais il serait dommage de suivre un protocole dont on n’interrogerait pas la logique. Car cette démarche est une démarche logique, après tout. Cette démarche comporte cinq grandes étapes obligatoires : 1. Présentation du passage 2. Lecture du texte 3. Description du passage et mise en place d’un « projet de lecture » 4. Explication au fil du texte 5. Conclusion J’en développe le contenu et les objectifs :
1. Présentation du passage (ou : introduction) Si je préfère le titre « Présentation » à celui, plus canonique, d’« Introduction », c’est bien pour préciser le type de discours introductif dont il s’agit dans une explication de texte, un discours qui n’est pas du même ordre que pour d’autres exercices, tel celui de la dissertation, par exemple. Il s’agit, dans cette introduction, de présenter, pour quelqu’un qui ne connaît pas le texte que vous allez lire et expliquer, non pas l’œuvre elle-même, mais le passage précis que vous allez faire entendre. Ne brûlez pas les étapes ! Ce n’est pas encore le moment d’aborder ce passage « de l’intérieur », mais bien celui d’en fournir, de façon concise et claire, ses présupposés antérieurs. C’est bien parce que le texte n’a pas encore été donné à entendre que sa présentation doit être faite de l’extérieur de ce texte ; tout au plus peut-on dire d’un texte que l’on n’est pas encore censé connaître ce qui en est visible au premier coup d’œil si sa typologie est homogène : description, dialogue… Mais dans le cadre d’une explication appartenant à un programme, ce qui est le cas pour nous, il s’agira aussi de le replacer en situation : si nous sommes dans un texte narratif, où en sommes-nous, par exemple ? Ce texte a-t-il une spécificité dans l’œuvre dont il est extrait, et laquelle ? Si l’œuvre est narrative, un raccourci narratif de quelques secondes pour présenter l’extrait sera le bienvenu. On appelle souvent ce genre de présentation un « résumé », mais attention, il ne s’agit pas de résumer tout ce qui précède l’extrait mais bien de convoquer uniquement ce qui est nécessaire à la lecture de cet extrait. Dans Le Roman inachevé, la présentation doit par conséquent comporter quelques traits généraux susceptibles d’être exploités dans l’extrait précis qu’une situation du passage à ‘intérieur de l’œuvre. 8
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2. Lecture Vous avez présenté un texte dont vous allez parler, il est donc logique qu’entre cette présentation et votre discours, vous le donniez à entendre. C’est une étape nécessaire de votre parcours explicatif, qui vous demande elle aussi de mettre en œuvre votre intelligence, non seulement du texte lui-même, mais de la situation de communication dans laquelle vous vous trouvez. Votre lecture, intelligente et claire, ne doit être ni un simple acte de communication (du type, « Bon, je lis le texte et après on passe aux choses sérieuses ») ni un exercice d’interprétation (du type : « Regardez comme je le joue bien ») : il s’agit de restituer à l’auditoire qu’est l’examinateur non pas les mots du texte, mais bien les images qui naissent de la confrontation avec le texte et que l’on se propose de décrire par la suite. Il s’agit donc simplement de donner au texte le rythme nécessaire pour que le destinataire de la lecture perçoive nettement les images de ce texte : chaque texte, chaque phrase, chaque mot même, ont des rythmes qui leur sont propres. Si un texte a été composé en vers, votre lecture doit rendre compte de sa prosodie ; s’il a été composé en prose, elle doit rendre compte de ses respirations. Quant à l’émotion que peut susciter un texte, rappelez-vous qu’il y a des passages émouvants, mais que bien des passages ne le sont pas ; que votre auditeur n’est pas là pour juger votre capacité émotive ; que si vous êtes un « bon » lecteur, vous n’en êtes pas moins un lecteur intelligent.
3. Description du passage et mise en place du « projet de lecture » Un premier bilan de cette lecture est celui de la description globale du mouvement de ce texte, en deux ou trois phrases : c’est cette description qui conditionne la démarche de lecture que l’on va imprimer à l’explication. On ne se laissera pas enfermer par la rigidité lexicale du terme de « mouvement » : un texte ne se compose pas forcément en plusieurs mouvements et un extrait comporte, selon le cas, des parties, îlots, mouvements, étapes, ruptures…, que composent aussi bien des séquences narratives, des changements de typologie, d’énonciateur ou de focalisation, des tableaux, des unités thématiques… Ici encore, vous avez à faire preuve d’intelligence, d’autant plus que vous avez le choix du lexique, et par conséquent la possibilité de personnaliser les raisons de votre découpage. Les îlots les plus facilement repérables dans un texte poétique sont bien entendu les strophes, si ce texte est découpé en strophes, mais sont-ce les seuls îlots ? Sont-ce les plus pertinents ? Le repérage de ces îlots est important : c’est lui qui détermine la coloration spécifique de votre explication à chaque étape du texte. A la suite de cette description, on propose ce qu’il est convenu d’appeler le projet ou le pacte ou encore le protocole de lecture, qui doit en principe reposer sur deux ou trois grands axes d’analyse, au nombre desquels celui qu’impose la typologie du texte. Selon l’extrait du texte que l’on choisit, il faudra prendre en compte la stratégie qui préside à la composition du passage, tout en ayant à l’esprit les faits de style récurrents qui peuvent donner lieu dans cet extrait à une exemplification — mais non à un développement annexe. Les axes de réflexion autour desquels 9
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s’organise l’explication doivent servir à hiérarchiser les remarques appelées par le commentaire du détail du texte. Il est évident que dans un texte poétique les procédés prosodiques et langagiers ont assez d’importance pour occuper un des deux axes du projet de lecture.
4. Explication au fil du texte C’est à cet endroit de votre exposé que prend place l’explication proprement dite. Doit-on tout ( ?) commenter, tout ( ?) expliquer ? Bien sûr que non… Votre travail consiste à choisir la pertinence des remarques appelées par le texte que vous devez expliquer. Pour juger de cette pertinence, vous avez deux pistes, que vous devez avoir en tête au moment où vous fabriquez votre explication : le découpage du texte en séquences, et votre projet de lecture, tels que vous les avez déjà présentés. On n’analyse pas un dialogue avec les mêmes outils que ceux que l’on convoque pour un passage descriptif. Si vous avez à expliquer un passage composé de l’un et de l’autre, et que vous avez, à juste titre, repéré cette composition, profitez de ce repérage pour choisir les outils qui vous semblent les plus pertinents. Le projet de lecture devrait vous aider à juger de la valeur de vos éventuelles remarques, et à les hiérarchiser. Si vous traitez un passage dont les points forts sont l’entremêlement des voix narratives et le portrait psychologique d’un personnage, par exemple, votre explication devra forcément s’organiser autour de ces deux points forts, même si certains endroits du texte à commenter peuvent prêter à d’autres remarques, que vous ne vous priverez pas de faire, mais rapidement. Habituez-vous à pointer très vite les priorités d’un texte précis : historiques ? thématiques ? stylistiques ? La construction est-elle remarquable ? Le langage tenu s’écarte-t-il de celui que l’on s’attendrait à y trouver ? En cours d’explication, ne relisez pas, autant que possible, un texte que… vous avez déjà lu ! Si vous avez à commenter une phrase, attaquez votre commentaire, quitte à rappeler tel ou tel mot ou groupe de mots pertinent de la phrase, mais ne relisez pas cette phrase, vous y noieriez votre propre discours.
5. Conclusion Si l’on appelle « conclusion » le moment final d’une explication de texte, il ne s’agit en tout cas pas, bien évidemment, du même type de « conclusion » que celle qui termine une dissertation. Mais toutes les « conclusions » ont des passages obligés communs. Celle qui doit terminer votre explication est destinée à : 1) proposer une synthèse rapide de l’explication : une conclusion doit toujours être une sorte de bilan ; 2) ouvrir éventuellement certaines questions soulevées par cette explication vers le hors-texte de l’histoire ou de la critique littéraire : la conclusion est l’endroit où l’on s’éloigne du micro-texte que l’on vient de commenter, de la même façon que l’introduction était le seuil à partir duquel on y entrait ; 3) rendre, s’il y a lieu, l’extrait à l’unité de l’œuvre dont il provient : on ne se privera pas de « souligner quels peuvent en être les prolongements et incidences dans l’économie générale de l’œuvre » (rapport de jury d’Agrégation 1999). 10
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Quatrième de couverture de l’édition originale du Roman inachevé (1956)3 Ce poème s'appelle Roman : c'est qu'il est un roman, au sens ancien du mot, au sens des romans médiévaux ; et surtout parce que, malgré le caractère autobiographique, ce poème est plus que le récit - journal ou mémoire - de la vie de l'auteur, un roman qui en est tiré. Il faut le lire dans le contexte de l'œuvre d'Aragon. Il s'agissait ici d'éviter les redites : on n'y trouvera pas le côté politique des Yeux et la Mémoire ou les heures de la Résistance de La Diane française ou du Musée Grévin. Le domaine privé, cette fois, l'emporte sur le domaine public. Même si nous traversons deux guerres, et le surréalisme, et bien des pays étrangers. Poème au sens des Yeux et la Mémoire, ce Roman inachevé ne pouvait être achevé justement en raison de ces redites que cela eût comporté pour l'auteur. Peut-être la nouveauté de ce livre tient-elle d'abord à la diversité des formes poétiques employées. Diversité des mètres employés qui viendra contredire une idée courante qu'on se fait de la poésie d'Aragon. Peut-être, à retrouver des traditions jamais mariées de la poésie française, s'étonnera-t-on, par exemple, de la présence ici des fatrasies, pourtant jamais tout à fait disparues de cette poésie, et dont l'apparition gênera probablement certains aujourd'hui, tout autant qu'hier d'autres la défense du sonnet sous la plume de l'auteur. Il semble que, plus que le pas donné à telle ou telle méthode d'écriture, Aragon ait voulu marquer que la poésie est d'abord langage, et que le langage, sous toutes ses formes, a droit de cité dans ce royaume sans frontière qu'on appelle la poésie. Plus que jamais ici, l'amour tient la première place.
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(Rappel : le titre de couverture est sous-titré de la mention « poème ».)
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Aragon, « Du poète à son parti » (septembre 1943) Mon parti m'a rendu mes yeux et ma mémoire Je ne savais plus rien de ce qu'un enfant sait Que mon sang fût si rouge et mon cœur fût français Je savais seulement que la nuit était noire Mon parti m'a rendu mes yeux et ma mémoire Mon parti m'a rendu le sens de l'épopée Je vois Jeanne filer Roland sonne le cor C'est le temps des héros qui renaît au Vercors Les plus simples des mots font le bruit des épées Mon parti m'a rendu le sens de l'épopée Mon parti m'a rendu les couleurs de la France Mon parti mon parti merci de tes leçons Et depuis ce temps-là tout me vient en chansons La colère et l'amour la joie et la souffrance Mon parti m'a rendu les couleurs de la France ——————————————————
Vers et prose selon Aragon4 CRÉMIEUX : J’ai noté, dans les comptes rendus publiés sur Le Fou d’Elsa, que certains critiques vous reprochent vos vers réguliers ; d’autres s’étonnent de ce cocktail de vers rimés et de vers non rimés et l’un d’eux écrit que, dans Le Fou d’Elsa, ce qui est poésie c’est ce qui n’a pas de ponctuation et que tout ce qui a de la ponctuation est de la prose. Qu’est-ce que vous pensez de ça? 4
Entretiens avec Francis Crémieux (1963 pour la diffusion), NRF, Gallimard, 1964 pour la retranscription et la postface de Francis Crémieux, 1997 pour la réédition en livre CD.
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ARAGON : Il est bien évident que c’est là une définition purement ironique de sa part et je ne m’y méprends pas. Mais c’est une réflexion plus ingénieuse, peut-être, que celui qui la fait ne le pense, et qui amène à diverses remarques. Et d’abord, pas seulement pour Le Fou, mais en général pour mes poèmes, sur l’absence de ponctuation dans les vers. Je suis le sujet de questions touchant cette absence depuis de nombreuses années et ça le va pas du tout en s’atténuant parce qu’il y a toujours des gens qui se posent les mêmes questions qui se sont posées, ou que m’ont posées leurs aînés. « Pourquoi supprimez-vous la ponctuation et qu’est-ce qui vous le permet ? » À la deuxième, je pourrais répondre tranquillement que je me permets tout et surtout que personne ne peut me permettre ou ne pas me permettre quelque chose en ces matières. La ponctuation est, Dieu merci, au moins une chose au monde qui ne saurait être de commandement. D’abord, la ponctuation n’a pas toujours existé. Au Moyen Âge français, on ne la trouvait pas dans les vers et ni le latin, ni le grec, ni l’arabe ne la connaissent, ou ne la connaissent que tardivement et partiellement. La ponctuation, la ponctuation, comme on dit : « Il met ou il ne met pas la ponctuation », n’est apparue qu’avec l’imprimerie, c’est-à-dire quand le texte a pu être soumis à un grand nombre de lecteurs. Et elle est didactiquement employée pour ceux qui ne seraient pas capables lire sans elle. De nos jours, il existe encore une certaine catégorie de lecteurs ignorants. Ce sont plus généralement les acteurs qui sont en butte à cette maladie particulière, le phrasage. Mais il leur arrive de phraser même dans les textes ponctués. Écoutez, par exemple, comment on lit Racine au Français, vous verrez que la ponctuation ne sert absolument à rien. Pourquoi ne faut-il pas de ponctuation, à mon sens, dans le vers? Parce que, il se passe là, ce qui se passe en matière de cliché. Je veux dire que quand on reproduit une photographie dans un journal, il y a une grille au cliché que l’on fait et si ensuite ayant perdu la photographie on veut reproduire une deuxième fois le cliché, en clichant sur le premier tirage, il y a une deuxième grille qui se superpose à la première et le résultat en est que rien n’est plus lisible. C. – La grille, c’est ce qu’on appelle la trame. A. - Grille ou trame, si vous préférez, c’est pour moi la ponctuation. Car qu’est-ce que le vers ? C’est une discipline de la respiration dans la parole. Elle établit l’unité de respiration qui est le vers. La ponctuation la brise, autorise la lecture sur la phrase et non sur la coupure du vers, la coupure artificielle, poétique, de la phrase dans le vers. Ainsi le vers compté et rimé est anéanti par lecteur qui ne s’arrête pas au bout de la ligne, ne fait pas sonner la rime, ni en général les éléments de la structure du vers: assonance intérieure, sonorités répétées, etc. La suppression de la ponctuation d’abord a été pratiquée par Mallarmé puis, systématiquement, par Apollinaire. Elle s’est généralisée dans le vers français moderne. Mon critique a raison de dire que quand il n’y a pas de ponctuation, ce sont des vers. C’est, de sa part, parler comme La Palice... 13
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Guillaume Apollinaire, « La Chanson du Mal-Aimé5 » Et je chantais cette romance En 1903 sans savoir Que mon amour à la semblance Du beau Phénix s’il meurt un soir Le matin voit sa renaissance. Un soir de demi-brume à Londres Un voyou qui ressemblait à Mon amour vint à ma rencontre Et le regard qu’il me jeta Me fit baisser les yeux de honte Je suivis ce mauvais garçon Qui sifflotait mains dans les poches Nous semblions entre les maisons Onde ouverte de la Mer Rouge Lui les Hébreux moi Pharaon […]
Guillaume Apollinaire, « Nuit rhénane6 » Mon verre est plein d'un vin trembleur comme une flamme Écoutez la chanson lente d'un batelier Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu'à leurs pieds Debout chantez plus haut en dansant une ronde Que je n'entende plus le chant du batelier Et mettez près de moi toutes les filles blondes Au regard immobile aux nattes repliées Le Rhin le Rhin est ivre où les vignes se mirent Tout l'or des nuits tombe en tremblant s'y refléter La voix chante toujours à en râle-mourir Ces fées aux cheveux verts qui incantent l'été Mon verre s'est brisé comme un éclat de rire
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In Alcools, 1913. Ibidem.
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Alfred de Musset, « La Nuit de décembre » (extrait, in Poésies nouvelles, 1850) LE POÈTE
Du temps que j’étais écolier, Je restais un soir à veiller Dans notre salle solitaire. Devant ma table vint s’asseoir Un pauvre enfant vêtu de noir, Qui me ressemblait comme un frère. Son visage était triste et beau : À la lueur de mon flambeau, Dans mon livre ouvert il vint lire. Il pencha son front sur sa main, Et resta jusqu’au lendemain, Pensif, avec un doux sourire.
A l’âge où l’on croit à l’amour, J’étais seul dans ma chambre un jour, Pleurant ma première misère. Au coin de mon feu vint s’asseoir Un étranger vêtu de noir, Qui me ressemblait comme un frère. Il était morne et soucieux ; D’une main il montrait les cieux, Et de l’autre il tenait un glaive. De ma peine il semblait souffrir, Mais il ne poussa qu’un soupir, Et s’évanouit comme un rêve.
Comme j’allais avoir quinze ans Je marchais un jour, à pas lents, Dans un bois, sur une bruyère. Au pied d’un arbre vint s’asseoir
[…]
Un jeune homme vêtu de noir, Qui me ressemblait comme un frère. Je lui demandai mon chemin ; Il tenait un luth d’une main, De l’autre un bouquet d’églantine. Il me fit un salut d’ami, Et, se détournant à demi, Me montra du doigt la colline.
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Aragon, « Le cri du butor » (extraits) (Le Nouveau Crève-cœur, 1948) III Vise un peu cette folle et ses souliers montants Elle a tous les ruisseaux dans ses regards d’émail Elle a tous les oiseaux sur son chapeau de paille Et dans son sac à main ses rêves de vingt ans Vise un peu ce gâchis de tulle et d’anémones Ce rêve poussiéreux comme un vieux cendrier C’est la feuille d’hier sur le calendrier Le refrain défraîchi d’une chanson d’automne Vise un peu ce sourire et ce palpitement Il s’en faudrait d’un rien qu’on se prenne à les croire N’était la cruauté profonde des miroirs Et ce reflet fané qui semble un reniement C’est ma vie il faut bien que je la reconnaisse C’est ma vie et c’est moi cette chanson faussée Un beau soir l’avenir s’appelle le passé C’est alors qu’on se tourne et qu’on voit sa jeunesse Si les volcans éteints le ciel perd son éclat Le jour n’est plus si clair la nuit n’est plus si tendre Jusqu’au dernier moment mon cœur tu peux l’entendre C’est ma vie et ce n’est après tout que cela Qu’attendais-tu de plus quel sort quelle aventure Quelle gloire à toi seule ou quel bonheur volé Qu’es-tu d’autre à la fin qu’à la meule est le blé Qu’à la cendre est le feu le corps à la torture Cet enfant n’a pas eu le temps d’ouvrir les yeux Et l’autre qui chantait un camion l’écrase La misère défie et non l’azur les phrases Elle est à ta mesure et n’y sont pas les cieux Je ne vois pas ici vraiment ce qui te peine Ou te donne le droit de crier dans ta nuit Ton destin te ressemble et ton ombre te suit Les fous ce sont ceux-là qui pour d’autres se prennent C’est déjà bien assez de pouvoir un moment Ébranler de l’épaule à sa faible manière La roue énorme de l’histoire dans l’ornière Qu’elle retombe après sur toi plus pesamment Car rien plus désormais ne pourra jamais faire
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Qu’elle n’ait pas un peu cédé sous ta poussée Tu peux t’agenouiller vieille bête blessée L’espoir heureusement tient d’autres dans ses fers
IV Maintenant que la jeunesse S'éteint au carreau bleui Maintenant que la jeunesse Machinale m'a trahi Maintenant que la jeunesse Tu t'en souviens souviens-t-en Maintenant que la jeunesse Chante à d'autres le printemps Maintenant que la jeunesse Détourne ses yeux lilas Maintenant que la jeunesse N'est plus ici n'est plus là Maintenant que la jeunesse Sur d'autres chemins légers Maintenant que la jeunesse Suit un nuage étranger Maintenant que la jeunesse A fui voleur généreux Me laissant mon droit d'aînesse Et l'argent de mes cheveux Il fait beau à n'y pas croire Il fait beau comme jamais Quel temps quel temps sans mémoire On ne sait plus comment voir Ni se lever ni s'asseoir Il fait beau comme jamais C'est un temps contre nature Comme le ciel des peintures Comme l'oubli des tortures Il fait beau comme jamais Frais comme l'eau sous la rame Un temps fort comme une femme Un temps à damner son âme Il fait beau comme jamais Un temps à rire et courir Un temps à ne pas mourir Un temps à craindre le pire Il fait beau comme jamais Tant pis pour l'homme au sang sombre Le soleil prouvé par l'ombre Enjambera les décombres
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Alfred de Musset, « Lucie » (1835) Mes chers amis, quand je mourrai, Plantez un saule au cimetière. J'aime son feuillage éploré ; La pâleur m'en est douce et chère, Et son ombre sera légère À la terre où je dormirai. Un soir, nous étions seuls, j'étais assis près d'elle ; Elle penchait la tête, et sur son clavecin Laissait, tout en rêvant, flotter sa blanche main. Ce n'était qu'un murmure : on eût dit les coups d'aile D'un zéphyr éloigné glissant sur des roseaux, Et craignant en passant d'éveiller les oiseaux. Les tièdes voluptés des nuits mélancoliques Sortaient autour de nous du calice des fleurs. Les marronniers du parc et les chênes antiques Se berçaient doucement sous leurs rameaux en pleurs. Nous écoutions la nuit; la croisée entr'ouverte Laissait venir à nous les parfums du printemps ; Les vents étaient muets, la plaine était déserte ; Nous étions seuls, pensifs, et nous avions quinze ans. Je regardais Lucie. - Elle était pâle et blonde. Jamais deux yeux plus doux n'ont du ciel le plus pur Sondé la profondeur et réfléchi l'azur. Sa beauté m'enivrait ; je n'aimais qu'elle au monde. Mais je croyais l'aimer comme on aime une sœur, Tant ce qui venait d'elle était plein de pudeur ! Nous nous tûmes longtemps ; ma main touchait la sienne. Je regardais rêver son front triste et charmant, Et je sentais dans l'âme, à chaque mouvement, Combien peuvent sur nous, pour guérir toute peine, Ces deux signes jumeaux de paix et de bonheur, jeunesse de visage et jeunesse de cœur. La lune, se levant dans un ciel sans nuage, D'un long réseau d'argent tout à coup l'inonda. Elle vit dans mes yeux resplendir son image ; Son sourire semblait d'un ange elle chanta. […]
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Aragon, « Vingt ans après » (Le Crève-cœur, 1941) Le temps a retrouvé son charroi monotone Et rattelé ses bœufs lents et roux c'est l'automne Le ciel creuse des trous entre les feuilles d'or Octobre électroscope a frémi mais s'endort Jours carolingiens Nous sommes des rois lâches Nos rêves se sont mis au pas mou de nos vaches À peine savons-nous qu'on meurt au bout des champs Et ce que l'aube fait l'ignore le couchant. Nous errons à travers des demeures vidées Sans chaînes sans draps blancs sans plaintes sans idées Spectres du plein midi revenants du plein jour Fantômes d'une vie où l'on parlait d'amour Nous reprenons après vingt ans nos habitudes Au vestiaire de l'oubli Mille Latudes Refont les gestes d'autrefois dans leur cachot Et semble-t-il ça na leur fait ni froid ni chaud L'ère des phrases mécaniques recommence L'homme dépose enfin l'orgueil et la romance Qui traîne sur sa lèvre est un air idiot Qu'il a trop entendu grâce à la radio Vingt ans L'espace à peine d'une enfance et n'est-ce Pas sa pénitence atroce pour notre aînesse Que de revoir après vingt ans les tout petits D'alors les innocents avec nous repartis Vingt ans après Titre ironique où notre vie S'inscrivit tout entière et le songe dévie Sur ces trois mots moqueurs d'Alexandre Dumas Père avec l'ombre de celle que tu aimas. […]
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Aragon, « La nuit de mai » (Les Yeux d’Elsa, 1942) Les spectres évitaient la route où j'ai passé Mais la brume des champs trahissait leur haleine La nuit se fit légère au-dessus de la plaine Quand nous eûmes laissé les murs de La Bassée Un feu de ferme flambe au fond de ce désert Aux herbes des fossés s'accroupit le silence Un aéro dit son rosaire et te balance Une fusée au-dessus d'Ablain Saint-Nazaire Les spectres égarés brouillent leurs propres traces Les pas cent fois refaits harassent leur raison Des panaches de peur montent à l'horizon Sur les maisons d'Arras en proie aux chars Arras Interférences des deux guerres je vous vois Voici la nécropole et voici la colline Ici la nuit s'ajoute à la nuit orpheline Aux ombres d'aujourd'hui les ombres d'autrefois Nous qui rêvions si bien dans l'herbe sans couronnes La terre un trou la date et le nom sans ci-gît Va-t-il falloir renaître à vos mythologies On n'entend plus pourtant grincer les cicerones O revenants bleus de Vimy vingt ans après Morts à demi Je suis le chemin d'aube hélice Qui tourne autour de l'obélisque et je me risque Où vous errez Malendormis Malenterrés Panorama du souvenir Assez souffert Ah c'est fini Repos Qui de vous cria Non Au bruit retrouvé du canon Faux Trianon D'un vrai calvaire à blanches croix et tapis vert Les vivants et les morts se ressemblent s'ils tremblent Les vivants sont des morts qui dorment dans leurs lits Cette nuit les vivants sont désensevelis Et les morts réveillés tremblent et leur ressemblent
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A-t-il fait nuit si parfaitement nuit jamais Où sont partis Musset ta Muse et tes hantises Il flotte quelque part un parfum de cytises C'est mil neuf cent quarante et c'est la nuit de Mai
« Les larmes se ressemblent » (Les Yeux d’Elsa, 1942) Dans le ciel gris des anges de faïence Dans le ciel gris des sanglots étouffés Il me souvient de ces jours de Mayence Dans le Rhin noir pleuraient des filles-fées On trouvait parfois au fond des ruelles Un soldat tué d'un coup de couteau On trouvait parfois cette paix cruelle Malgré le jeune vin blanc des coteaux J'ai bu l'alcool transparent des cerises J'ai bu les serments échangés tout bas Qu'ils étaient beaux les palais les églises J'avais vingt ans Je ne comprenais pas Qu'est-ce que je savais de la défaite Quand ton pays est amour défendu Quand il te faut la voix des faux-prophètes Pour redonner vie à l'espoir perdu Il me souvient de chansons qui m'émurent Il me souvient des signes à la craie Qu'on découvrait au matin sur les murs Sans en pouvoir déchiffrer les secrets […]
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Lettre de Michel Manouchian 21 février 1944, Fresne Ma Chère Mélinée, ma petite orpheline bien-aimée, Dans quelques heures, je ne serai plus de ce monde. Nous allons être fusillés cet après-midi à 15 heures. Cela m'arrive comme un accident dans ma vie, je n'y crois pas mais pourtant je sais que je ne te verrai plus jamais. Que puis-je t'écrire ? Tout est confus en moi et bien clair en même temps. Je m'étais engagé dans l'Armée de Libération en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la Victoire et du but. Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la Liberté et de la Paix de demain. Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement. Au moment de mourir, je proclame que je n'ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit, chacun aura ce qu'il méritera comme châtiment et comme récompense. Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps. Bonheur à tous... J'ai un regret profond de ne t'avoir pas rendue heureuse, j'aurais bien voulu avoir un enfant de toi, comme tu le voulais toujours. Je te prie donc de te marier après la guerre, sans faute, et d'avoir un enfant pour mon bonheur, et pour accomplir ma dernière volonté, marie-toi avec quelqu'un qui puisse te rendre heureuse. Tous mes biens et toutes mes affaires je les lègue à toi à ta sœur et à mes neveux. Après la guerre tu pourras faire valoir ton droit de pension de guerre en tant que ma femme, car je meurs en soldat régulier de l'armée française de la libération. Avec l'aide des amis qui voudront bien m'honorer, tu feras éditer mes poèmes et mes écrits qui valent d'être lus. Tu apporteras mes souvenirs si possible à mes parents en Arménie. Je mourrai avec mes 23 camarades tout à l'heure avec le courage et la sérénité d'un homme qui a la conscience bien tranquille, car personnellement, je n'ai fait de mal à personne et si je l'ai fait, je l'ai fait sans haine. Aujourd'hui, il y a du soleil. C'est en regardant le soleil et la belle nature que j'ai tant aimée que je dirai adieu à la vie et à vous tous, ma bien chère femme et mes bien chers amis. Je pardonne à tous ceux qui m'ont fait du mal ou qui ont voulu me faire du mal sauf à celui qui nous a trahis pour racheter sa peau et ceux qui nous ont vendus. Je t'embrasse bien fort ainsi que ta sœur et tous les amis qui me connaissent de loin ou de près, je vous serre tous sur mon cour. Adieu. Ton ami, ton camarade, ton mari. Manouchian Michel. P.S. J'ai quinze mille francs dans la valise de la rue de Plaisance. Si tu peux les prendre, rends mes dettes et donne le reste à Armène. M. M.
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Aragon, « Quatorzième arrondissement » (Les Poètes, 1960)
[…] Je vivais la plupart du temps Dans un hôpital fantastique Où l'obscénité des cantiques Oubliait la mort en chantant
[…] On veille on pense à tout à rien On écrit des vers de la prose On doit trafiquer quelque chose En attendant le jour qui vient
Les carabins c'est leur manière Ils n'ont pas le cadavre exquis Je n'y jouais qu'avec ceux qui Leur succédaient dans ma tanière
On sonne Il faut bien que j'y aille Tout ce sang Qu'est-ce qu'il y a C'est sous le pont d'Alésia Que l'on a fait ce beau travail
Car comme on change de veston A vêpres la lueur des lampes Pour des visiteurs d'autre trempe Inaugurait un autre ton
Dix jeunes hommes tailladés Le front la nuque les épaules Tous récitent le même rôle A quoi bon rien leur demander
[…] Décor de la salle de garde Le soir était sombre à Broussais Et dans son faux jardin dansait La nuit solitaire et hagarde
Il est donc des filles si douces Que seulement pour y toucher Ce ne semble plus un péché Messieurs de vous égorger tous
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Aragon, « Secousse » (Feu de joie, 1920) BROUF Fuite à jamais de l'amertume, Les prés magnifiques volants peints de frais tournent champs qui chancellent Le point mort Ma tête tinte et tant de crécelles Mon cœur est en morceaux le paysage en miettes Hop l'Univers verse Qui chavire L'autre ou moi L'autre émoi La naissance à cette solitude Je donne un nom meilleur aux merveilles du jour J'invente à nouveau le vent tape-joue le vent tapageur Le monde à bas je le bâtis plus beau Sept soleils de couleur griffent la campagne Au bout de mes cils tremble un prisme de larmes désormais Gouttes d'Eau On lit au poteau du chemin vicinal ROUTE INTERDITE AUX TERRASSIERS Août 1918
Aragon, « Persiennes » (1920. Le Mouvement perpétuel, 1925) Persienne Persienne Persienne Persienne persienne persienne persienne persienne persienne persienne persienne persienne persienne persienne persienne persienne Persienne Persienne Persienne Persienne ? 24
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Aragon, « Suicide » (1920. Le Mouvement perpétuel, 1925) A g m s x
b h n t
c i o u y
d j p v
e f k l q r w z
Aragon, « Une fois pour toutes » (Avant 1924. Le Mouvement perpétuel, 1925) Qu'est-ce que parler veut dire ? – Semer des cailloux blancs que les oiseaux mangeront. Que redoutez vous le plus au monde ? – Certains animaux lents qui se promènent après minuit autour des arbres de lumière ; les autobus aussi. Qu'auriez-vous voulu être ? – Le passé, le présent, l'avenir. Qu'appelle-t-on vertu ? – Un hamac de plaisir aux branches suprêmes des forêts. Courage ? – Les gouttes de lait dans la timbale d'argent de mon baptême. Honneur ? – Un billet d'aller et retour pour Monte-Carlo. Aimez-vous la nature ? – Sur mon berceau parfois se penchait un lévrier triste comme les bijoux ensevelis dans la mer. Des flammes dansantes passaient au-dessus de mon front avec des colliers de marguerites. Des dames faisaient la révérence devant le crépuscule. Un beau soir il n'y eut plus personne au bord de l'eau. Qu'est-ce que l'amour ? – Un anneau d'or dans les nuages. Qu'est-ce que la mort ? – Un petit château-fort sur la montagne. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . – Un palais fermé par les plantes, un glaçon sur le cours de la ville, un regard vers le paradis. Je ne vous demandais rien. – Ah ? 25
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Aragon, L’Armoire à glace un beau soir (1923), incipit Devant le rideau, un soldat français, vingt ans rencontre une femme nue, coiffée d'un grand chapeau à fleurs, elle porte une voiture d'enfant sur ses épaules. LA FEMME. - Militaire ! LE SOLDAT. - Toujours galant. LA FEMME. - Avez-vous rencontré un arbre sur la route ? Mon paquet a chaud. LE SOLDAT. - Vous n'en trouverez pas à moins d’une lieue d'ici, madame ou mademoiselle? LA FEMME. - C'est madame. LE SOLDAT. - Mais j'étendrai les bras, et vous vous asseoirez dans mon ombre. LA FEMME. - II n'y a pas assez d'un Bon Dieu (elle s'assied). Un rude temps, militaire, que nous traversons vous et moi. La vie n'est pas drôle. LE SOLDAT. - Je ne connais que l’obéissance. LA FEMME. --. Moi, ma petite voiture d'enfant. Croyez-vous que nous aurons encore de ces guerres? LE SOLDAT. - Je tire joliment le fusil (modeste) : on dit même beaucoup de bien de moi, mais c'est des bêtises. LA FEMME. - Je n'aime pas les gens qui tirent du fusil ; parce qu'un jour ou l'autre il faut que ça sorte ; vous avez pourtant l'air honnête. LE SOLDAT. - Oh je suis discipliné. LA FEMME. - Heureux? LE SOLDAT. – Je ne suis pas heureux, je suis discipliné. […]
Aragon, Une vague de rêves (1924), extraits […] Le nombre des surréalistes s'était accru. Jeunes gens qui allaient à l'ivresse, à la confusion d'eux-mêmes, au déjoué, sans regarder en arrière où luisait toujours l'embrasement des manifestations et des cris, qui a pourtant un grand charme. Tout d'abord ils s'adonnaient a un vice, ils se précipitaient. Il fallait une circonstance pareille a une bague au doigt d'une femme rencontrée, pareil à un dessin au mur d’une salle d'attente pour que l’idée surréaliste prît un tour inattendu. Cela eut lieu au bord de la mer, où René Crevel rencontra une dame qui lui apprit à dormir d’un sommeil hypnotique particulier, qui ressemble plutôt à l'état somnambulique. Il tenait alors des discours de toute beauté. Une épidémie de sommeil s'abattit sur les surréalistes. Un grand nombre d'entre eux, suivant avec une exactitude variable le protocole inventé, se découvrirent une faculté semblable, et vers la fin de l'année 1922 — avez-vous remarqué comme cette période de l'année est propice aux grandes lueurs ? — ils sont sept ou huit qui ne vivent plus que pour ces instants d'oubli, où les lumières éteintes, ils parlent, sans conscience, comme des noyés en plein air. Ces 26
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instants se font plus nombreux chaque jour. Chaque jour ils veulent dormir davantage. […] On se demande s'ils dormaient vraiment. Il se trouve au cœur de quelques-uns une négation de cette aventure. L'idée de la simulation est remise en jeu. Pour moi, je n’ai jamais pu me faire une idée claire de cette idée. Simuler une chose, est-ce autre chose que la penser ? Et ce qui est pensé, est. Vous ne me ferez pas sortir de là. Qu'on m'explique, d'ailleurs, par la simulation, le caractère génial des rêves parlés qui se déroulaient devant moi. […] Je ne sais ce que va devenir cette nouvelle entreprise de songes. Je rêve sur le bord du monde et de la nuit. Que vouliez-vous donc me dire? hommes dans l’éloignement, criant la main en porte-voix, riant des gestes du dormeur ? Sur le bord de la nuit et du crime, sur le bord du crime et de l'amour. Ô Rivieras de l'idéel, vos casinos sans distinction d'âge ouvrent leurs salles de jeux â ceux qui veulent perdre ! Il est temps croyez-moi, que l'on ne gagne plus. Qui est la ? Ah très bien : faites entrer l'infini.
Aragon, « Front rouge » (1931), extraits […] Pliez les réverbères comme des fétus de paille Faites valser les kiosques les bancs les fontaines Wallace Descendez les flics Camarades descendez les flics Plus loin plus loin vers l'ouest où dorment les enfants riches et les putains de première classe Dépasse la Madeleine Prolétariat Que ta fureur balaye l'Élysée […] Feu sur Léon Blum Feu sur Boncour Froissard Déat Feu sur les ours savants de la social-démocratie Feu feu j’entends passer la mort qui se jette sur Garchery Feu vous dis-je Sous la conduite du parti communiste SFIC vous attendez le doigt sur la gâchette que ce ne soit plus moi qui vous crie Feu 27
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mais Lénine le Lénine du juste moment […] Ceux qui attendent les dents serrées d'exercer enfin leur vengeance sifflent un air qui en dit long un air un air UR SS un air joyeux comme le fer SS SR un air brûlant c'est l'es pérance c'est l'air SSSR c'est la chanson c'est la chanson d'octobre aux fruits éclatants Sifflez sifflez SSSR SSSR la patience n'aura qu'un temps SSSR SSSR SSSR7
Aragon, « Complainte de Robert le Diable » (Les Poètes, 1960) Chanté Tu portais dans ta voix comme un chant de Nerval Quand tu parlais du sang jeune homme singulier Scandant la cruauté de tes vers réguliers Le rire des bouchers t'escortait dans les Halles Parmi les diables chargés de chair tu noyais Je ne sais quels chagrins Ou bien quels blue devils Tu traînais au bal derrière l'Hôtel-de-Ville Dans les ombres koscher d'un Quatorze-Juillet Tu avais en ces jours ces accents de gageure Que j'entends retentir à travers les années Poète de vingt ans d'avance assassiné Et que vengeaient déjà le blasphème et l'injure Tu parcourais la vie avec des yeux royaux Quand je t'ai rencontré revenant du Maroc C'était un temps maudit peuplé de gens baroques Qui jouaient dans la brume à des jeux déloyaux 7
SSSR : siglaison russe de URSS.
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[…] La ville un peu partout garde de ton passage Une ombre de couleur à ses frontons salis Et quand le jour se lève au Sacré-Cœur pâli Quand sur le Panthéon comme un équarrissage Le crépuscule met ses lambeaux écorchés Quand le vent hurle aux loups dessous le Pont-au-Change Quand le soleil au Bois roule avec les oranges Quand la lune s'assied de clocher en clocher Je pense à toi Desnos qui partis de Compiègne Comme un soir en dormant tu nous en fis récit Accomplir jusqu'au bout ta propre prophétie Là-bas où le destin de notre siècle saigne Je pense à toi Desnos et je revois tes yeux Qu'explique seulement l'avenir qu'ils reflètent Sans cela d'où pourrait leur venir ô poète Ce bleu qu'ils ont en eux et qui dément les cieux
Joachim du Bellay, Les Regrets (1558) XXI
Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage, Ou comme cestuy-là qui conquit la toison, Et puis est retourné, plein d'usage et raison, Vivre entre ses parents le reste de son âge ! Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village Fumer la cheminée, et en quelle saison Reverrai-je le clos de ma pauvre maison, Qui m'est une province, et beaucoup davantage ? Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux, Que des palais Romains le front audacieux, Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine : Plus mon Loir gaulois, que le Tibre latin, 29
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Plus mon petit Liré, que le mont Palatin, Et plus que l'air marin la douceur angevine.
Charles d’Orléans (1394-1465), Ballade VIII Balades, chançons et complaintes Sont pour moy mises en oubly. Car ennuy et pensées maintes M'ont tenu long temps endormy. Non pour tant, pour passer soussy Essayer vueil se je sauroye Rimer, ainsi que je souloye. Au moins j'en feray mon povoir. Combien que je congnois et sçay Que mon langage trouveray Tout enroillié de Nonchaloir. Plaisans parolles sont estaintes En moy qui deviens rassoty ; Au fort, je vendray aux attaintes. Quant Beau Parler m'aura failly. Pourquoy pry ceulx qui m'ont oy Langagier, quant pieçà j'estoye Jeune, nouvel et plain de joye, Que vueillent excusé m'avoir. Oncques mais je ne me trouvay Si rude, car je suis, pour vray. Tout enroillié de Nonchaloir. Amoureux ont parolles paintes Et language frais et joly; Plaisance dont ilz sont acointes Parle pour eux; en ce party J'ay esté, or n'est plus ainsy. Alors, de Beau Parler trouvoye A bon marchié tant que vouloye; Si ay despendu mon savoir, Et s'un peu espargné en ay. Il est, quant vendra à l'essay, Tout enroillié de Nonchaloir.
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